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dans les années précédentes, & même au dernier hiver ; mais à peine les rayons du soleil ont-ils échauffé l’air & ranimé la nature, que tout se développe avec cette vigueur qui fait le caractère de la jeunesse. Les écailles se renversent, les feuilles se déroulent & laissent appercevoir les pétales colorés & nuancés de mille manières, qui recouvrent encore les étamines & les pistils ; enfin le moment de la fécondation arrive, les pétales s’ouvrent, & la fleur est dans toute sa beauté.

Plus les parties qui la composent sont délicates, plus aussi la nature apporte de soin pour les défendre ; aussi les boutons à fleur sont-ils toujours beaucoup plus garnis d’enveloppes que les boutons à bois, les écailles sont plus fermes, les duvets sont plus épais. C’est en-vain que les frimats des hivers déploient leurs rigueurs, la pluie ne peut pas les pénétrer, & ces organes si délicats sont à l’abri des gelées les plus violentes. Les troncs se fendent, tandis que les boutons à fruit, & même à bois résistent & se conservent. Nous verrons aux mots Froid, Gelée, la cause d’un phénomène aussi singulier.

De ces considérations générales, passons à quelques particulières. Si on examine une branche, un bourgeon, le bouton qui se montre à l’extrémité est plus gros que les autres, & c’est par lui que ce bourgeon devient arbre par ses jets successifs. Les baguettes supérieures, les droites ont également à leur extrémité un gros bouton à bois, mais moins gros que celui de la tige principale & perpendiculaire au tronc : il en est ainsi pour tous les rameaux, & à mesure qu’il s’éloigne du sommet de la branche, la grosseur du premier bouton diminue proportionnellement.

Si on arrête, ou si on coupe, ou si on pince, (ces mots sont presque synonymes) le bourgeon par son sommet, ou à différentes hauteurs, le calus se forme, les boutons inférieurs grossissent, & huit ou quinze jours après, le bouton le plus voisin de l’endroit coupé, s’élance & forme un bourgeon. Quelques-uns de ces boutons à bois tendent à devenir boutons à fruit ; d’autres poussent des branches chiffonnes ; le cours de la séve est altéré & dérangé, & plusieurs pincemens consécutifs changent l’arbre en broussailles ; ils forcent souvent les boutons à percer l’écorce & à naître sans feuilles nourrices. Tout pincement en général est pernicieux, & il devient bien plus funeste, si on l’exécute dans le tems de la grande affluence de la séve. Il en est de cette opération, comme d’un médicament donné à contre-sens pendant que la nature prépare la crise d’une maladie. M. M.

Si lorsque le bourgeon ou la branche secondaire n’a point encore éprouvé le mouvement de la séve, on continue d’examiner les boutons, on verra que les plus inférieurs donneront des branches fortes & vigoureuses, sur-tout lorsqu’on a diminué par la taille, la branche, & qu’on ne lui a laissé, par exemple, que la moitié de sa longueur. Le diamètre des canaux séveux reçoit la même quantité de substance nutritive qu’auparavant, & cette substance affluant en plus grande masse dans les bou-