Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/423

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former. Le jonc vaudroit encore mieux, s’il ne talloit pas de racines, & si sa graine & ses racines ne s’emparoient pas promptement d’une partie du champ. Dans les provinces méridionales, le grenadier, le porte-chapeau ou paliure, produiroient le même effet. Je ne connois pas de meilleure clôture que celle d’un fossé bien entretenu, la terre de ce fossé jetée sur le champ, & ses bords couverts d’une haie formée par des arbrisseaux analogues aux climats ; mais je demande que ces bords soient plantés d’arbres du pays, & assez près les uns des autres pour forcer leur tige à s’élever, en l’aidant par l’élagage. (Voyez le mot Baliveau)

Si le terrein est en pente, on sent que la partie supérieure du fossé retiendra les eaux pluviales, les empêchera de ruisseler dans le champ, & d’en entraîner la bonne terre. Cette eau supérieure creuseroit des ravins sur les côtés de la pente, & il faut les prévenir. On creuse, à cet effet, dans toute la longueur de cette pente, de petits réservoirs ; on les multiplie, & on les creuse autant qu’il est nécessaire, jusqu’à ce que la retenue inférieure de chaque réservoir soit de niveau avec l’endroit où l’eau tombe du réservoir supérieur, ou la première eau qui coule dans cette pente. La largeur du réservoir doit être égale à celle du fossé ; sa longueur dépend du niveau, & la force de sa retenue de l’un & de l’autre. Une retenue d’un pied de largeur suffit lorsque le réservoir a six pieds de longueur, sur dix-huit à vingt-quatre pouces de profondeur. On ne risque rien de donner dix-huit pouces d’épaisseur. On voit que par ces retenues successives, l’eau coule toujours, pour ainsi dire, d’écluse en écluse, & que chaque écluse contribue à maintenir une espèce de niveau, de manière que la chute de l’eau est peu considérable, & qu’elle ne peut pas creuser. Une précaution cependant à avoir, consiste, après les grandes pluies, & surtout les pluies d’orage, de nettoyer ou recreuser ces petits réservoirs : cette opération exige sans cesse l’œil du maître, & que lui ou un homme de confiance soit présent lors du recurement. Voilà, me dira-t-on, un sujet de dépense, j’en conviens ; mais je prie d’observer, 1.o qu’il n’y a jamais de dégradation du sol, surtout si on a eu le soin de tenir la partie supérieure du sol de la retenue, garnie de gazon sur lequel l’eau coule sans l’endommager ; 2.o que la terre qui remplit ces petits réservoirs est une terre déposée par l’eau, & que cette terre est un excellent engrais, jetée sur le champ ; 3.o que le sol du champ n’est jamais dégradé par des ravins, puisque l’eau de la partie supérieure qui l’auroit recouvert, est conduite dans les petits réservoirs, & ainsi de suite jusque dans le fossé inférieur où se trouve le dégorgeoir général de toutes les eaux. Si on compare la conservation du champ & le produit de l’engrais, on ne plaindra pas la petite dépense occasionnée par l’entretien des réservoirs. Avec de semblables précautions, on ne verroit pas aujourd’hui une multitude de coteaux, même en pente douce, décharnés jusqu’au vif. L’entretien du seul fossé supérieur auroit suffi, & au-delà, à renouveler la terre que les eaux pluviales entraînent successivement du sommet à la partie inférieure ; la terre du fossé inférieur