Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/419

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des évaporations faites par art, mais seulement de celles opérées par la nature, relativement à l’agriculture. Les plantes transpirent, poussent au-dehors la matière de la transpiration, & elle s’évapore : si cette transpiration est arrêtée dans les pores de l’écorce, la plante souffre, languit & périt, à moins que, par le secours de l’évaporation, cette sécrétion ne soit entraînée dans l’immense réservoir de l’atmosphère… Une pluie abondante couvre les feuilles, les tiges des plantes ; si elle est froide, elle arrête leur transpiration jusqu’à ce que l’évaporation ait dissipé cette eau ; si elle est chaude, cette transpiration est moins long-temps suspendue, parce que l’évaporation sera plus prompte… S’il n’y avoit point d’évaporation, la terre une fois imbibée d’eau ne craindroit plus la sécheresse… La plante, après s’être appropriée les principes qu’elle reçoit de l’atmosphère, lui renvoie le surplus pour y éprouver de nouvelles décompositions & de nouvelles recombinaisons ; la végétation reçoit la vie par cette circulation générale… Tous les grains quelconques ne se conservent que lorsque l’humidité abondante a été dissipée par l’évaporation… Les vins, les liqueurs, &c. diminuent de volume dans les tonneaux, quoiqu’exactement bouchés, & ils perdent une portion de leur spiritueux par l’évaporation qui s’exécute à travers les pores du bois. Deux causes essentielles concourent au développement de l’évaporation, la chaleur & le courant d’air ; cette vérité est trop connue pour en donner la démonstration ; je dirai seulement que la chaleur & le courant d’air sont deux manières d’agir différentes. La chaleur dilate les corps, les fait entrer en expansion, & un air rapide les entraîne ; la chaleur n’auroit peut-être pas cette propriété si l’évaporation n’établissoit elle-même ce courant d’air, c’est-à-dire, si l’air contenu dans les fluides, & échauffé, ne tendoit pas à s’ouvrir un libre passage entre ses molécules extrêmement petites, (voyez le mot Eau) & n’en entraînoit un grand nombre avec lui ; de là l’évaporation plus ou moins lente, suivant le degré de chaleur. En supposant la même quantité d’eau tombée en hiver ou en été, la chaleur fait promptement évaporer celle-ci, tandis que l’autre est des mois entiers à s’évaporer ; mais s’il survient du froid, l’air étant alors plus vif, l’eau se dissipe en raison de cette vivacité. Supposons que dans l’été on expose à toute l’ardeur du gros soleil, un vase quelconque rempli d’eau & bien abrité, & que l’on place un autre vase parfaitement semblable & rempli de la même eau, dans un lieu à l’ombre & exposé à un grand courant d’air, ce dernier évaporera plus que le premier & sera plutôt à sec. Le froid, dans les provinces méridionales, passe rarement quatre ou cinq degrés au-dessous de zéro, thermometre de M. de Reaumur ; cependant il est plus sensible que le froid éprouvé dans le nord du Royaume, même à dix degrés : cette différence tient à la rapidité du courant d’air qui entraîne trop promptement & fait évaporer la chaleur que nos habits retiennent. Ces évaporations trop subites, sont aussi nuisibles aux plantes, qu’aux hommes & qu’aux animaux, sur-tout quand ils passent