Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/599

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vemens. La feuille est renfermée en miniature dans la graine, comme toutes les autres parties de la plante ; mais elle est d’une telle finesse, qu’il est impossible de l’y découvrir. Plus avancée & plus développée dans le bouton & le bourgeon (Voyez ces mots) elle en sort à la saison nouvelle & se déploie, sa surface s’étend, les nervures s’affermissent, & la feuille se dirige & se fixe dans la position la plus commode, pour remplir les fonctions importantes dont la nature l’a chargée. Cette situation consiste à avoir constamment la surface supérieure tournée non-seulement vers le ciel, mais encore vers l’endroit d’où elle peut recevoir une plus grande quantité de lumière & d’air libre. Jetez les yeux sur un grand arbre très-feuillé, un marronnier-d’inde, par exemple, & considérez attentivement la direction des feuilles ; toutes celles qui sont à l’extrémité des branches, & au bord du feuillage, ont leur pétiole horizontal, de façon que le disque de la feuille se présente à la lumière, & en reçoit l’influence dans presque tous ses points. Celles qui sont placées au contraire, dans l’intérieur sont diversement inclinées ; mais toujours dans la position la plus directe vers un endroit vide ou peu épais, par lequel les rayons de la lumière peuvent venir jusqu’à elle. Cette disposition est naturelle à la feuille, & toutes les fois qu’accidentellement elle est dérangée ; elle tend de toute sa force à la reprendre. Quand un jardinier taille & attache une branche dans une nouvelle position, il dérange nécessairement la direction des feuilles, mais bientôt après, on les voit toutes se retourner & présenter à l’air & à la lumière leur face supérieure.

Ce pouvoir de se retourner, n’est pas moins admirable dans les feuilles que dans la radicule des graines semées à contre-sens ; il a paru digne de fixer l’attention d’un des plus savans observateurs de la nature, M. Bonnet, qui, dans son traité des Recherches sur l’usage des feuilles, s’en est occupé avec le soin le plus scrupuleux. Nous allons parcourir ses différentes observations, qui ne sont pas moins amusantes qu’intéressantes.

Pour répéter ces jolies expériences, il suffit d’incliner le jet qui porte la feuille, de façon que la feuille ne présente plus au ciel sa surface supérieure, & de le fixer en cet état par le moyen d’un morceau de bois, ou d’un fil. Au bout de quelque temps vous retrouverez les feuilles retournées. Ce retournement s’exécute ordinairement sur le pédicule ; tantôt il se replie, ou se courbe en divers endroits, tantôt il se contourne en manière de vis, & quelquefois il se contourne & se replie à la fois. M. Bonnet a soumis à ces expériences toutes sortes de plantes herbacées ou ligneuses, & le retournement a eu lieu dans toutes. Nous n’en citerons qu’un exemple seulement, afin de mettre sur la voie, ceux qui voudroient s’amuser à répéter ces expériences. Dans le mois de septembre, il courba en arc de cercle un jet de vigne portant quatre grandes feuilles, deux de chaque côté. Au bout d’environ deux jours, la direction des feuilles commença à changer ; la surface supérieure ne regardoit plus la terre qu’obliquement. Cette obliquité aug-