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pide, mais un peu au-delà de la pente très douce.

Plusieurs de nos provinces sont sujettes à des pluies fréquentes, & d’autres à des pluies d’orage, les seules que l’on connoisse pendant l’été dans celles du midi. Ces pluies entraînent l’humus ou terre végétale (voyez les mots Amendemens, Engrais, & le dernier chapitre du mot Culture), qui doit faire la base essentielle de la terre d’un jardin, & qui est le résultat des débris des végétaux, des animaux & des engrais qu’on y prodigue. Si j’avois à choisir, je préférerois le terroir plat au-dessous de l’amphithéâtre formé par le vallon. Une seule pluie d’orage entraîne plus de terre végétale, qu’il ne s’en forme dans une année.

Le sol du bas des vallons est toujours très-bon en général, & très-productif, parce qu’il est engraissé par la terre végétale que les eaux ont fait descendre du vallon, & qu’elles y ont accumulée : mais souvent ce local est marécageux. Le premier soin est donc d’ouvrir un large & profond fossé de ceinture tout autour du jardin, 1°. afin d’y recevoir en dépôt la terre végétale entraînée du coteau ; 2°. d’y contenir les eaux, & les empêcher d’inonder le jardin ; 3°. pour servir d’écoulement aux eaux du sol, & l’assainir. Avec de telles précautions on aura un fond excellent. Cependant on a encore à redouter les funestes effets des brouillards, que les cultivateurs appellent des rosées. Dans une matinée, toutes les plantes sont couvertes comme d’une espèce de rouille qui les fait périr, ou du moins les empêchent de prospérer. C’est par la même raison que les légumiers placés près des bois, ou entourés de hautes charmilles, &c. ne réussissent jamais aussi-bien que ceux qui sont à découverts, & où les vents dissipent l’humidité vaporeuse de l’atmosphère. Dans les jardins ordinaires, le niveau de pente est trop fort à deux pouces par toise.

Les jardins en terrasses les unes sur les autres, offrent d’excellens abris, de bonnes expositions, de beaux espaliers, des places favorables aux couches, aux châssis ; mais ils ne conviennent qu’à des gens riches : leur entretien est dispendieux & ruineux pour le particulier, parce qu’il faut tout y transporter à bras d’hommes, sans parler des frais de construction. Les terrasses, toutes circonstances égales, consomment beaucoup plus d’eau lors des arrosemens, que les terreins plats, à cause des abris qui augmentent la chaleur ; & comme dans ce point d’élévation il y a un plus grand courant d’air, l’évaporation est de beaucoup plus considérable. Les légumes cultivés sur ces terrasses sont plus savoureux, plus parfumés que ceux venus dans un bas fond.

L’exposition avantageuse ou nuisible d’un jardin, doit, je le répète, varier suivant les climats & les vents dominans, & souvent elle dépend de la position de l’eau. Comme tous ces points sont susceptibles de se sous-diviser à l’infini, je persiste à dire qu’il est impossible d’établir des règles invariables, ce seroit induire en erreur le cultivateur crédule. Qu’il étudie le pays qu’il habite, c’est là le seul livre à consulter ; il y trouvera une certitude, dont la base sera l’expérience.