on fera très-bien de donner un fort labour croisé, aussitôt après la récolte & l’ignition du champ ; on laissera ainsi la terre soulevée, éprouver les fortes chaleurs de juillet & d’août. Nos paysans appellent cette opération cuire la terre, & moi je l’appelle l’imprégnation de la lumière des rayons du soleil, objet sur lequel on n’a point encore assez réfléchi, & un des grands moyens de la végétation ; peut-être est-ce à cette lumière seule que les plantes doivent le principe igné qu’elles pompent en partie avec la sève & en partie par l’absorption dans l’air ambiant ? mais laissons cette hypothèse dont la démonstration nous écarteroit de notre sujet.
Il y a deux manières de rompre le terrain avant de semer, ou à la bêche (consultez ce mot), ou à force de labours ; le travail à la bêche est sans contredit le meilleur, je dirai même le plus économique, quoiqu’au premier coup d’œil il paroisse bien plus dispendieux.
1. Du travail à la bêche. Si dans les provinces du midi on a été assez heureux pour qu’une pluie abondante ait pénétré la terre, on ne perdra que le temps nécessaire à un léger dessèchement, afin que lorsque l’on bêchera, la terre ne soit ni trop sèche ni trop humide. Si au contraire il n’est survenu aucune pluie, enfin si jusqu’à cette époque la terre est restée sèche, on fera très-bien de conduire l’eau sur le champ à rompre, & de l’arroser largement & dans toutes ses parties. Quatre, cinq ou six jours après, suivant la chaleur de la saison, on passera la herse à plusieurs fois afin de niveler le terrain qui aura précédemment été bouleversé par le labour croisé, donné après la moisson, & par les rigoles, si on a été dans le cas de les creuser. Tout étant ainsi préparé, les ouvriers seront mis à l’ouvrage, soit à la journée, soit à prix fait, & on retournera la terre à la profondeur de deux fers de bêche, ce qui équivaut à un miné. On aura beau multiplier labours sur labours, on ne parviendra jamais à défoncer le sol, à le retourner & à l’émietter aussi complètement qu’à la bêche. Règle indispensable ; lorsqu’on veut créer une prairie, on ne doit rien épargner. La première année est très-couteuse ; la dépense une fois faite, c’est, non pour toujours, mais pour un très-grand nombre d’années. Plusieurs points sont à observer dans ce genre de travail : si on le donne à prix fait, une personne de confiance doit suivre les ouvriers & ne pas les quitter plus que leur ombre, afin qu’ils donnent la profondeur de deux fers bêche, c’est-à-dire, celle de 20 pouces, en ramenant la terre de dessous en dessus. À chaque coup ils doivent avec le plat de la bêche briser les mottes & régaler la superficie du sol, comme celle d’un carreau de jardin qu’on se dispose à semer. Si le travail est fait à la journée, la personne de confiance est pour le moins aussi nécessaire, afin que chaque ouvrier paye en travail le prix du salaire qu’il reçoit. Chaque matin cette personne vérifiera si la bêche a la largeur & la hauteur requise, & il renverra l’ouvrier dont la bêche est trop petite. Cette précaution paroîtra peut-être minutieuse, & cependant elle ne l’est pas, puisqu’en supposant deux ouvriers également bons travail-