Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/407

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s’en éloigne. Je connois en effet plusieurs sources ou ruisseaux qui sont dans ce cas ; mais ces eaux fatiguées ne sont peut-être que des eaux trop rechauffées dans leurs cours, ou des eaux remplies de parties glutineuses, vitriolique, ferrugineuses, dont elles se sont chargées sur leur route ; peut-être aussi réunissent-elles plusieurs de ces vices. Il est vrai que très-souvent elles deviennent nuisibles à la végétation ».

» Quant aux eaux crayeuses, je ne connois dans ce pays (la Suisse) aucune carrière de craie proprement dite. Nous n’avons que des terres mêlées d’une argile blanche très-glutineuse & par-là très-mauvaise. Les eaux qui seroient imprégnées de véritable craie, matière absorbante, seroient très-bien sur nos terres argileuses,[1] tandis que celles que nous nommons mal à propos crayeuses, les gâtent entièrement.

» La septième espèce comprend les eaux crues ou naturellement froides ; elles proviennent des neiges & des glaces fondues, & passent par des lieux couverts, profonds, dans lesquels les rayons du soleil ne parviennent pas ; elles ne peuvent qu’être nuisibles aux terres ; elles les gercent en hiver, elles arrêtent la sève en été, & au printemps elles suspendent & arrêtent le cours de la sève à qui la chaleur est nécessaire ; enfin, elles occasionnent des mousses. On fait combien les froids subits & les pluies froides qui surviennent quelquefois en été, causent de dommages aux campagnes ; bientôt les herbages se flétrissent, les vignes jaunissent & toute la végétation languit, jusqu’à ce qu’il survienne une pluie douce & chaude, ou une chaleur modérée qui s’accroisse insensiblement. (Consultez ce qui a été dit au mot Arrosement)

» Les physiciens qui ont examiné les différentes eaux, disent, que la neige ou la glace fondues, & dans leur état de liquidité, sont les plus légères de toutes les eaux, qu’elles surpassent même en légèreté toutes les eaux distillées ; mais ils observent en même temps, qu’elles ne fermentent que difficilement, qu’elles ne laissent que peu de sédiment, & qu’elles sont mal-saines.[2]

» La huitième espèce d’eaux nui-

  1. Note de l’Éditeur. Je ne puis, malgré l’estime & la vénération que j’ai pour l’auteur, être de ton avis : l’expérience nous prouve que les eaux cayeuses ne produisent pas cet effet sur les terres argileuses, mais seulement sur les terrains sablonneux. Je suis persuadé que s’il avoit été à même d’en observer les effets, il penseroit comme nous. La craie, par elle-même, acquiert trop de ténacité, & ne peut dans le cas présent devenir utile qu’autant qu’elle est en petite quantité. Une couche un peu épaisse de craie sur un fond argileux détruit une prairie ; & elle ne deviendra productive qu’autant que les labours les auront mêlées ensemble.
  2. La neige, la glace sont une vrai cristallisation ; toute cristallisation suppose une forte absorption d’air, & c’est la présence de cet air disséminé dans les molécules de la neige & de la glace qui les rend plus légères que l’eau naturelle, & leur fait occuper un plus grand espace ; mais cet air n’y est combiné qu’imparfaitement. Lorsque la neige & la glace fondent, cet air s’échappe & entraîne avec lui une partie de l’autre air auparavant combinée avec l’eau, ce qui la rend moins digestive, & cette eau de glace & de