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plante en particulier) dépend de la juste portion d’eau que retient la terre consacrée à la culture. Voilà pourquoi dans les années pluvieuses les récoltes sont abondantes dans les terres sablonneuses, nulles ou presque nulles dans les terres fortes & tenaces. C’est précisément tout l’opposé dans les années de sécheresse. Le transport des sables dans les terres argileuses, & celui des terres tenaces dans les terres sablonneuses, est le grand correctif dans l’agriculture : personne n’ignore cette vérité, mais très-peu de cultivateurs sont dans le cas de la mettre en pratique ; elle est trop coûteuse, & trop au dessus de leurs moyens.


SABLER. Expressions des jardiniers, qui désigne l’opération de mettre du sable sur la superficie d’une allée, afin de la rendre propre & empêcher l’herbe d’y croître. On se sert ordinairement du sable de rivière, mais quand on n’en a pas, on emploie du sable que l’on tire des terres. Dans les lieux où le sable manque, on a soin de ratisser souvent les allées. D’autres y répandent des recoupes de pierres qu’ils battent bien, & qu’ils recouvrent d’un aire de terre des salpêtriers. C’est ainsi que s’explique l’auteur du Dictionnaire Économique. Je ne conçois pas trop ce que signifie cet aire de salpêtre : est-ce pour endurcir la croûte de l’allée, ou pour empêcher l’herbe d’y croître ? dans le premier cas, le but est manqué, parce que le salpêtre ou nitre attire puissamment l’humidité de l’air, conserve la fraîcheur dans le sol, & le rend par conséquent mobile sous l’homme qui le piétine en marchant ; dans le second cas, cette opération, quoique très coûteuse, devient utile pendant un certain laps de temps. Tant que subsistera l’abondance du sel, les plantes ne pousseront pas, mais elles végéteront avec beaucoup plus de force quand les pluies auront entraîné cette surabondance, & qu’il n’en restera plus qu’une quantité proportionnée, capable de former une bonne combinaison savonneuse par son union avec les principes huileux, & graisseux, contenus dans la terre. Sur ce point de fait, consultez les expériences indiquées au mot Arrosement tom II, pag. 10 : ainsi le conseil donné de l’emploi du salpêtre est au moins inutile. J’aimerois mieux, après avoir bien régalé la superficie des allées, répandre par-dessus une certaine quantité de chaux réduite en poudre par son extinction à l’air : avec le dos du râteau on en égalise la couche sur toute la superficie, & on la bat ensuite à deux ou trois volées consécutive, afin de l’incorporer dans la terre. Pour cette opération on choisit un temps où la terre est encore un peu fraîche, & lorsqu’on ne craint pas qu’il survienne aussitôt après de la pluie. Mais comme une des propriétés des sels alkalins, tel que celui de la chaux, est d’attirer l’humidité de l’air, la croûte des allées s’humecte un peu pendant les premières nuits, & on profite de cette légère humidité pour rebattre à la volée, & pendant plusieurs jours de suite, la superficie des allées : après cette opération il s’y forme réellement une croûte très-dure, à peu près semblable à celle du mortier, sur laquelle glissent les eaux pluviales ; & tout le monde connoît la propriété & la corrosiveté de la chaux pour faire périr les plantes. Dans les provinces où les pluies sont