Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/173

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champs a seigle que ceux destinés à porter du froment. Je ne répéterai pas ici ce qui a été dit dans l’article froment, relativement aux labours, ce seroit un double emploi.

C’est toujours la faute du propriétaire si un bon champ, dans quelque circonstance que ce soit, est ensemencé avec du seigle ; parce qu’il ne tient qu’à lui d’alterner ses récoltes. (Consultez ce mot essentiel.) Du moment qu’il supprimera la jachère, & que cette prétendue année de repos sera consacrée à produire de l’herbe, le sol de son champ ne s’appauvrira pas, & il aura encore le double avantage de recueillir de belles récoltes en fourrage, dans l’année que ses voisins emploieront à fatiguer la terre & le bétail par des labourages infructueux. L’expérience de tous les temps, de tous les lieux, a prouvé que plusieurs récoltes consécutives en froment épuisoient la terre, parce qu’on lui enlevoit sans cesse ses principes, sans lui fournir les moyens d’en récupérer de nouveaux ; mais la même expérience démontre aujourd’hui aux bons cultivateurs, qu’en alternant ses récoltes, loin d’épuiser le sol on le bonifiais. Si je ne craignois de parler de moi, je produirais un grand nombre de lettres de différens cultivateurs, qui me mandent que depuis la publication du premier volume du Cours d’agriculture, ils ont alterné leurs champs & ont presque doublé leurs revenus, & triplé dans les cantons où les prairies naturelles étoient rares : on sent bien que je ne parle pas ici des cantons où la chaleur n’est pas assez forte pour obtenir une bonne maturité du froment. Lorsque cette ligne de démarcation existe, il est clair qu’il faut se résoudre à cultiver du seigle, quand même le fonds seroit très-excellent, puisqu’on ne viole jamais impunément les lois de la nature : par-tout ailleurs, si le sol est bon, c’est un abus.

Si le sol est de médiocre qualité, il est également démontré qu’après un certain nombre de récoltes alternées, il est assez bonifié pour produire du froment. J’en ai chaque jour la preuve sous les yeux. S’il est de petite qualité, l’année qu’on appelle de jachère ou de repos, doit être sacrifiée à produire de l’herbe & à l’enterrer. Il suffit de donner un fort labour croisé avant l’hiver, & même de passer deux fois la charrue dans le même sillon, afin de ramener sur la superficie la plus grande quantité de terre neuve que l’on pourra, & l’exposer à l’action de l’air & des élémens. La neige, les gelées surviennent par-dessus, & plus cette terre est profondément détrempée & imbibée d’eau, plus le froid a d’action pour la pénétrer profondément, car je ne connois pas de meilleur laboureur que la gelée. Après l’hiver, les molécules de cette terre se trouvent très-divisées, & les labours qu’on lui donne de nouveau, mêlent & combinent exactement & les terres anciennes de la surface & celles du dessous. Lorsque l’on ne craint plus les gelées, on sème des lupins, (consultez ce mot) & encore mieux du sarrasin ou blé-noir très-épais. (Consultez cet article) Je préfère cette dernière plante à cause de la promptitude de sa croissance & de sa facile décomposition quand elle est enfouie au moment qu’elle est en pleine fleur. Dans plusieurs de nos provinces on peut