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ou si les pluies y sont fréquentes, reléguez les triolets dans les champarts, & conservez le bon terrain pour le trèfle. Si, au contraire, le pays est sec & chaud, je le répète, le triolet produira moins que le fromental.

Il n’en est pas ainsi du grand trèfle appelé de Piémont, d’Espagne, ou de Hollande, c’est la plante la plus précieuse & qui donne la meilleure prairie artificielle ; c’est la plante par excellence pour alterner les récoltes. Elle porte avec elle son engrais, & les blés qu’on sème après leurs destructions sont toujours superbes.

Depuis que j’ai publié l’article alterner, un grand nombre de cultivateurs m’ont fait l’honneur de m’écrire, qu’ils avoient abandonné les prairies qui ne sont pas soumises aux irrigations continuelles ; qu’ils en avoient converti le sol en terres labourables, & que par la culture du grand trèfle ils avoient, non-seulement suppléé à la quantité de fourrages qu’ils récoltoient auparavant, mais même qu’ils l’avoient doublé ; enfin, que leurs domaines leur rapportent plus d’un tiers franc qu’en suivant l’ancien régime de culture. Combien ne pourrois-je pas citer de cantons, & même de provinces où les fourrages étoient rares & chers, & qui élèvent aujourd’hui un nombreux bétail, & par conséquent les fumiers y sont aussi communs qu’ils étoient peu abondans auparavant. Cette révolution heureuse devient l’origine de la prospérité des campagnes. Nous allons considérer le grand trèfle, relativement aux deux méthodes de culture qui lui conviennent.

CHAPITRE PREMIER.

Du grand trèfle, considéré comme prairie artificielle.

La racine de cette plante est pivotante ; donc, elle se plaît dans les terres douces, légères, & qui ont du fond ; elle pousse un grand nombre de feuilles ; donc, elle aime un sol substantiel. Ces deux qualités du sol sont indispensables, lorsqu’on désire récolter la graine que l’on destine à être ensuite semée ; parce que si cette graine est de mauvaise qualité, ainsi que le sol, la plante s’abâtardit, & après plusieurs dégénérations consécutives, ce grand trèfle revient à son premier état, c’est-à-dire, au trèfle des prés ou triolet.

À moins que le pays ne soit dépourvu de fourrage, il n’est pas avantageux, dans les terrains de médiocre qualité, d’établir une prairie artificielle en grand trèfle ; le sainfoin ou esparcette doit lui être préféré, (consultez ce mot) sur-tout si le pays est sec & peu favorisé par les pluies.

Dans tous les sols féconds de France, on peut former des prairies artificielles avec le grand trèfle, & ne les conserver dans cet état que pendant deux ans, à moins qu’à la fin de la seconde année on ne fume largement le sol, ou avec des engrais bien consommés, ou avec du gyps ou plâtre. Ces engrais raniment la plante, & on est en droit d’espérer des récoltes assez abondantes pendant la troisième année, & nulles pendant la quatrième, à moins, comme il a été dit, que la graine resemée d’elle-même, n’ait produit de nouvelles plantes.