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terre par un fort coup de charrue à versoir toute la plante, alors le trèfle, loin d’avoir appauvri le sol, l’enrichit d’avantage par sa dépouille, & lui rend beaucoup plus d’humus qu’il n’en a absorbé. Cette vérité est prouvée & démontrée jusqu’à l’évidence par l’expérience des différens pays.

C’est encore une inconséquence impardonnable, une ignorance complète des principes, de faire manger sur place & en verd la dernière pousse des trèfles. L’animal est nourri, il est vrai, mais aux dépens de l’engrais naturel & nécessaire que la plante auroit rendu au sol.

Si on a la facilité de se procurer, à bon prix, du plâtre en poudre, ou de la chaux réduite en poudre à l’air, on fera très-bien, au commencement de l’hiver, après l’année du semis, de répandre l’un ou l’autre sur la tréflière, & non pas après l’hiver comme on le pratique ordinairement ; je demande que cet engrais salin soit jeté au plus tard en décembre, afin que dissous par la neige, par les pluies d’hiver, il pénètre le sol, se mêle avec les substances graisseuses, huileuses, animales, & que de leurs mélanges & combinaisons, se forment les matériaux de la sève (consultez ce mot) qui doit vivifier la plante pendant le printemps & pendant l’été. Cet engrais salin ne sera pas entièrement épuisé, il en restera encore une quantité suffisante, qui s’unira avec les débris du trèfle enfoui par la charrue. On est assuré d’avoir en abondance pour le printemps suivant tous les matériaux combinés d’une excellente sève.

Il faut vouloir s’aveugler, ou être entièrement subjugué par les préjugés de l’habitude, si le cultivateur se refuse encore à alterner les récoltes de ses champs ; comment peut-il encore laisser un sol vide pendant quinze ou seize mois, tandis qu’il lui produira, dans les deux années, au moins trois fortes coupes d’excellent fourrage, & en outre ce champ se bonifiera de plus en plus à mesure qu’on alternera ses produits ? Ce seroit en pure perte sacrifier le tiers réel du produit ; mais ce tiers équivaudra à la moitié dans les cantons où les fourrages sont rares ou chers. J’aime à croire, & ma consolation est de penser que petit à petit les prairies artificielles rendront à la culture des grains tout le sol des prairies qui n’est pas susceptible d’être arrosé à volonté. Je vois ce changement s’opérer petit à petit, de proche en proche, & je mourrai content, lorsque dans la France entière l’art d’alterner sera universel & porté à sa perfection.

Pour enterrer la troisième pousse des trèfles, la bêche (consultez ce mot) est à préférer à la charrue ; c’est encore une excellente pratique à introduire. La charrue enterre l’herbe moins exactement ; malgré ce petit inconvénient, on ne risque rien de semer le blé par-dessus après avoir croisé le labourage, ainsi qu’il a été dit dans le chapitre précédent.

On fauche le trèfle & on le fanne comme les herbes des prairies ; mais il convient de l’enlever de dessus le champ lorsqu’il est encore imbibé de la rosée, afin que les feuilles restent plus adhérentes aux tiges ; cette légère humidité sera bientôt dissipée, soit pendant le transport du fourrage, soit pendant le temps qu’on le porte & qu’on le range dans la fenière.