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sera mouillé, plus les gelées seront fortes & prolongées pendant l’hiver, & mieux & plus profondément le terrain sera soulevé & émietté par le froid, qui est le meilleur de tous les laboureurs. Si on a la facilité d’attacher deux à trois paires de bœufs ou de chevaux à la charrue, l’ouvrage n’en vaudra que mieux. Peu importe qu’on amène à la superficie la terre crue ou gor ; tout le travail tend à donner plus de prise aux gelées, & à rendre une plus grande masse de terre perméable à l’eau.

Aussitôt après l’hiver, & lorsque la craie, ou l’argile, où le mauvais terrain sont assez ressuyés pour que la pression de la charrue ne durcisse ni ne pétrisse la terre, on laboure de nouveau, & on passe deux fois la charrue dans la même raie, afin de la creuser plus profond. Quelques jours après on recroise ce labour, & dès que la saison est venue, on y sème très-épais, ou des pois, ou des vesces, ou des lupins, ou enfin du sarrasin, vulgairement nommé blé noir, enfin la graine dont l’achat est le moins dispendieux.

Lorsque les plantes, quelles qu’elles soient, sont en pleine fleur, on les enterre par un fort coup de charrue, & on laisse le champ s’hiverner dans cet état. Ces plantes pourrissent, & de leur décomposition résultent les premiers matériaux, ou au moins une bonne provision de terre véhétale. Ces plantes, jusqu’à leur dernière décomposition, tiennent la terre soulevée, & la rendent plus perméable aux influences météoriques. (Consulter le mot Amendement, & l’avant dernier chapitre du mot Agriculture.)

Après le second hiver & dans l’état convenable du sol, on le laboure de nouveau, & encore plus profondément, s’il est possible, qu’avant & après le premier labour. Le travail sera facile, si les gelées ont été fortes & ont pénétré assez avant en terre. Enfin, labourez plusieurs fois, jusqu’à ce que le grain de terre, soit meuble & en état de recevoir la semence du sainfoin ou esparcette. Le dernier labour doit être très-peu profond, parce que la graine ne germe pas si elle est trop enterrée. On la sème sur le champ ainsi préparé, dès qu’on ne craint plus les gelées. Il n’y a point de jours fixes pour cette opération. La semaille dépend du canton que l’on habite, de la manière d’être de la saison, & de l’état du sol ; en un mot, pour tous les pays c’est après l’hiver, excepté dans les provinces méridionales, où il convient de semer en septembre, attendu que les jeunes plantes acquièrent assez de forces avant l’hiver pour résister aux petites gelées qu’on y éprouve. D’ailleurs, c’est presque une année entière que l’on y gagne. Cette méthode seroit presque toujours funeste dans des climats plus froids.

La quantité de semence du sainfoin doit être double de celle du blé ou seigle que l’on sème dans le pays sur la même superficie de terrain.

Après qu’on a semé on passe & repasse la herse, qui traîne après elle des fagots, afin que la graine, soit mieux enterrée. La meilleure semence est celle de l’année, sur-tout si on a eu l’attention de la choisir sur les esparcettes en pleine force, par exemple, de deux à trois années. Il vaut mieux payer un peu plus cher