Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/242

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veut atteler au même char ; plus occupé des qualités essentielles, de la durée et de la bonté de leurs services, le cultivateur doit n’employer ensemble à un même travail que des animaux doués d’une pareille ardeur ; il examinera soigneusement leur vivacité, en marchant soit au pas, soit au trot. La même quantité de force est un point moins essentiel ; il est plus important que chacun emploie toute l’étendue de ses moyens, et qu’il existe du concert et de l’harmonie dans leurs efforts. S’il en est autrement, le cheval qui a plus de vivacité se ruine, tandis que les autres ne s’employant qu’à demi, éprouvent à peine une légère fatigue. Pour partager également le travail, il faudroit que les chevaux attelés à une même voiture fussent également sensibles à la voix de leur conducteur, et aux coups de fouet ; car, lors même qu’il ne porte que sur un d’eux, il est un avertissement pour tous, l’animal le plus excitable redouble d’efforts et s’exténue. Plus un attelage est nombreux, plus il est difficile de faire partager également le tirage aux chevaux qui le composent ; le conducteur a besoin d’une grande intelligence, et de beaucoup d’attention, pour mettre tous les chevaux également sur leur trait, pour les faire partir ensemble et les faire continuer d’accord. Comment conserver cette harmonie, s’il se trouve des animaux d’un caractère lent, associés à des chevaux d’un naturel ardent ? Ces attelages nombreux et discordans font, avec plus de dépenses, un service beaucoup moins avantageux que celui d’un petit nombre de chevaux bien appareillés ; ils causent encore la ruine de beaucoup d’excellens chevaux qui s’exténuent, tandis que les animaux paresseux n’ont aucune peine.

La difficulté d’un bon appareillement, les dommages qui résultent des animaux non apparentés, rendent singulièrement avantageux l’emploi des voitures simples traînées par un seul cheval, comme les voitures francomtoises, celles usitées en Angleterre et en France, par les propriétaires, et dans les pays de petite culture.

Les chevaux attelés seul à seul sont sujets à moins d’accidens, se conservent mieux ; on a la preuve de cette vérité sur les grandes routes où les propriétaires de voitures à un seul cheval sont ordinairement plus riches que ceux des grands attelages ; ce qui provient non de ce qu’ils gagnent davantage, mais de ce qu’ils perdent moins, et de ce qu’un cheval, lorsqu’il est attelé seul, traîne un plus lourd fardeau que s’il est en compagnie, parce qu’il est alors forcé d’user de toute sa vigueur.

Il seroit à désirer que l’appareillement relatif à la force et à l’énergie des chevaux (voyez les moyens de les connoître, à l’art. Abaissement des hanches) s’étendît aux régimens de cavalerie ou d’artillerie, obligés à un même service, à de pareilles manœuvres : mais jusqu’ici on n’y a recherché qu’à assortir leurs poils et à les choisir de même taille. Espérons que la réorganisation prochaine de nos haras rendra possible cette amélioration dans le service.

On doit appareiller avec le plus grand soin les animaux destinés à la reproduction, les assortir pour le poil, la taille, la force et le caractère. L’étalon doit être supérieur en qualité à la femelle, car il a une plus grande influence qu’elle sur les qualités essentielles de leur progéniture ; tandis que les femelles, à leur tour, agissent d’une manière plus marquée sur la couleur des poils. On doit rejeter des haras tous les animaux méchans et vicieux, quelques qualités qu’ils possèdent d’ailleurs ; ces vices se communiqueroient à leurs productions, sur-tout s’ils étoient dominans.

Quand on veut élever la taille dès races d’animaux domestiques d’un pays, il faut ne le faire que par une gradation