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cun pourra en distraire ce qui excède ses facultés et se former un train de chasse qui s’adapte à sa position.

Mon article Lièvre renferme quelques notions qui ne doivent pas être étrangères aux chasseurs ; il couvient donc de le consulter.

Un vent doux du levant et du couchant, ni trop sec, ni trop humide, est le plus convenable à la chasse du lièvre ; ceux du nord et du midi ne sont pas si favorables, parce n’ils dessèchent la terre, et dérobent aux chiens le sentiment du gibier. Il n’est pas nécessaire de détourner le lièvre avec le limier. On découple les chiens à l’endroit que l’on aura choisi, ordinairement dans un petit bois, où les lièvres aiment à se retirer. Un piqueur suivra les chiens au pas, sonnant des tons de quête, et disant : lance, lance ; trouve-là valets ; debout, debout. Lorsqu’il les verra mettre le nez à terre, pour prendre les voies de quelque lièvre, il s’arrêtera, les laissera travailler, en leur parlant ainsi : ah, il va là ; il va là ; c’est de l’y, l’ami, etc. ; et, si un des chiens s’en alloit en avant, ce piqueur y mèneroit les autres, en leur disant : aucoute à… (le nom du chien qui perce en avant.) Il dit vrai ; valets, aucoute. Il sonne des tons de quête, et dit : rapproche, valets ; debout, debout. Il continuera de sonner et de parler ainsi, jusqu’à ce que le lièvre soit lancé.

Lorsqu’un des chasseurs voit le lièvre, il doit crier : holoo, je le vois, holoo. Ce dernier mot, que l’on prononce assez généralement vloo, est le signal que donne le chasseur qui voit un animal quelconque, à l’exception du cerf, à la vue duquel on crie tayau. Il ne faut pas trop presser les chiens au commencement de la chasse ; ils doivent chasser sagement, jusqu’à ce que l’emportement du plus ardent se ralentisse ; alors on les anime ar les cris : ah, il va là, il va là ha, là ha, là ha.

Les ruses ordinaires des lièvres lancés et poursuivis, sont de tourner et de retourner sur leurs pas, et leurs nombreux détours mettent quelquefois les chiens à bout de voie ; ce qui signifie qu’ayant perdu la voie de leur animal, ils cessent de chasser. Le piqueur doit alors les faire revenir, et les ramener prendre les derrières et les devants à droite et à gauche du retour, afin de retomber sur les voies. Il évitera toute erreur, et de prendre un lièvre pour un autre. Une pareille méprise, outre qu’elle est contre le bon ordre de la chasse, ne contribue pas peu à gâter les chiens ; cela leur apprend à s’emporter au delà du retour, et l’on a ensuite beaucoup de peine à les réduire.

Dans un défaut, on ne peut trop longer les chemins. C’est principalement dans les carrefours que les lièvres rusent ; ils longent tous les chemins qui y aboutissent, puis ils font plusieurs sauts pour se relaisser, et ils ne partent plus que difficilement. À force de requêter, il est bien rare de ne pas relancer le lièvre de meute, sur-tout si l’on fait attention à la façon de faire des vieux chiens, qui étant plus accoutumés aux ruses du lièvre, en débrouillent mieux les voies. Les jeunes chiens qui rencontrent la voie, suivent souvent le contre-pied. On les rompt et on les corrige. Au relancé, il faut savoir si ce n’est pas un autre lièvre que le lièvre de meute qui part. On obtiendra cette connoissance, en examinant s’il y a un gîte à l’endroit d’où le lièvre est parti ; si l’on n’en trouve pas, l’on aura tout lieu de croire que l’animal est le lièvre de meute.

Quand un lièvre se fait relancer souvent, c’est une marque qu’il est sur ses fins. Il se relaisse fréquemment ; et lorsqu’il repart, les chiens qui s’en aperçoivent le chassent à outrance. Son affoiblissement s’annonce par sa marche chancelante, ses oreilles basses et écartées, son dos arrondi, l’écartement de son pied, et la disposition des deux doigts de son pied de devant, qui se trouvent en dehors l’un sur l’autre en forme de croissant, au lieu de s’enfoncer en terre. La trompe sonne l’hallali ; ce mot, à défaut de trompe, est prononcé par un des chasseurs au moment où l’animal succombe. L’ardeur des chiens est à son comble ; un piqueur les suit à toute bride pour les empêcher de déchirer le lièvre. J’avois un vieux chien envers lequel cette précaution auroit été inutile. Aussitôt qu’il cessoit de donner de la voix, l’on pouvoit être assuré que le