Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/68

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Après une pause, ses antennes reprirent :

— Mais qu’as-tu dit encore ?… J’ai vu bien des fourmis qui avaient respiré ou bu de l’ivresse : jamais antennes ivres ne furent aussi ivres que les tiennes.

Elle ajouta :

— Reviens à toi. Aie honte des désirs inférieurs qui ont suivi ton mauvais rêve. Réveille-toi tout à fait.

Elle redevint très amicale et, comme une sœur humaine embrasserait à plusieurs reprises mon visage attristé, elle stridula quelques notes indulgentes et tendres qui semblaient dire :

— Je te pardonne ta folie d’un instant et je t’aime autant qu’avant tes paroles absurdes.

J’appris en cette heure cruelle et douce que toute confidence profonde est impossible et que, si on ne veut point passer pour fou aux yeux des êtres aimés et voir les affections les plus grandes se dégrader en pitiés, il ne faut pas essayer de balbutier la réalité de son âme.