Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/602

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en même temps consolant les malheureux ; on y voit, pour peu qu’on regarde avec attention, la joie être triste, la confiance trembler, le salut souffrir, la vie mourir, la force être faible. Mais, et ce n’est pas ce qui est le moins étonnant, on y voit aussi la tristesse inspirer de la joie, la peur rassurer, la souffrance sauver, la mort donner la vie, et la faiblesse rendre fort. Qui est-ce qui ne voit point à présent ce que je recherchais tout à l’heure ? Est-ce que vous ne voyez pas maintenant avec facilité, au milieu de toutes ces merveilles, une femme qui entoure un homme, quand vous voyez Marie porter Jésus dans son sein, Jésus cet homme goûté de Dieu ? Car j’appelle Jésus un homme non-seulement quand « il était proclamé prophète Jésus-Christ était un homme, même lorsqu’il était encore dans le sein de sa mère. puissant en œuvres et en paroles (Luc., xxiv, 19) ; » mais aussi lorsque tout petit enfant il était porté dans les bras de sa mère ou même encore enfermé dans son sein. Jésus était donc un homme même avant d’être né, non point par l’âge, mais par la sagesse ; non par les forces corporelles mais par la vigueur de l’âme ; non par le développement des membres mais la maturité des sens. En effet il n’y avait pas moins de sagesse en Jésus, ou plutôt Jésus ne fut pas moins la sagesse même lorsqu’il n’était que conçu que quand il fut né ; lorsqu’il était petit que lorsqu’il était grand. Par conséquent soit qu’il fût encore caché dans le sein de sa mère on vagissant dans la crèche, déjà jeune garçon interrogeant les docteurs dans le Jésus est parfait en tant que sagesse dès le premier instant de la conception. temple, ou homme fait instruisant le peuple, il était toujours également rempli du Saint-Esprit. Il n’y a pas une heure dans sa vie où il y eut quelque chose de plus ou de moins à cette plénitude qu’il reçut au moment de sa conception dans le sein de Marie. Dès le premier instant il fut parfait, oui, dès le premier moment de sa conception il fut rempli de l’esprit de sagesse et d’intelligence, de l’esprit de conseil et de force, de l’esprit de science et de piété, de l’esprit de crainte de Dieu (Isa., xi, 2).

10. Ne vous étonnez pas après cela si vous lisez dans un autre endroit des Livres saints : « Jésus croissait en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes (Luc., ii, 52) ; » car pour ce qui est de la sagesse et de la grâce, il faut entendre ce que dit l’Évangéliste en ce sens, non qu’il croissait effectivement mais qu’il paraissait croître en sagesse et en grâce, ce qui ne veut pas dire qu’il acquérait chaque jour quelque chose de nouveau qu’il n’avait point auparavant, mais qu’il paraissait l’acquérir, quand il voulait lui-même que cela parût ainsi. Pour vous, ô homme, quand vous faites des progrès, vous ne les faites point quand vous voulez ni dans la mesure que vous le voulez, au contraire, c’est même à votre insu que ce progrès s’opère et que votre vie s’arrange. Quant à l’enfant Jésus, c’est lui qui dispose et qui disposait la sienne, et qui paraissait sage quand il le voulait et à qui il le voulait et très-sage enfin toujours, quand et à qui il le voulait, quoique en lui-même il ne fût jamais rien moins qu’infiniment sage. De même, n’ayant jamais cessé d’être plein de toutes grâces, il ne laissait voir pourtant, selon son bon plaisir, tantôt plus tantôt moins, d’après le mérite de ceux à qui il la montrait ou suivant qu’il savait convenir à leur salut, la grâce qu’il avait en Dieu ou qu’il devait avoir devant les hommes. Il est donc bien certain que Jésus-Christ a toujours eu une âme