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Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/603

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virile, quoique par son corps il n’ait pas toujours paru homme. Pourquoi douterai-je après cela qu’un homme ait pu se trouver enfermé dans le sein d’une vierge quand je ne fais aucune difficulté d’admettre qu’un Dieu y a habité. Évidemment il est moins grand d’être homme que d’être Dieu.

11. Mais voyons si le prophète Isaïe ne vient pas jeter une très-grande lumière sur la nouveauté de Jérémie, comme il nous a plus haut montré le sens des nouvelles fleurs de la vierge d’Aaron. « Voici, dit-il, qu’une vierge concevra et enfantera un fils (Isa., vii, 14.) » Nous avons donc une femme, puisqu’il nous parle d’une Vierge. Voulez-vous savoir maintenant de quel homme il est question ? Écoutez, le voici : « Et il sera appelé Emmanuel, dit le Prophète, ce qui veut dire Dieu avec nous (Ibid.). » Par conséquent, cette femme qui enfantera un homme, c’est la Vierge qui doit concevoir Dieu dans son sein. Voyez-vous quel bel et prodigieux accord il y a entre les miracles des saints et leurs paroles mystérieuses ? Voyez-vous combien est merveilleux ce miracle fait de la Vierge et dans la Vierge, mais que tant de miracles ont précédé et que tant d’oracles ont annoncé d’avance ? C’est que Accord des saintes Écritures dans les prédictions qui se rapportent au Christ. l’esprit des Prophètes est un, et, bien que ceux-ci diffèrent les uns des autres de manières, de signes et de temps, néanmoins ils sont animés du même esprit et s’accordent tous à voir et à prédire la même chose. Ce qui fut montré à Moïse dans le buisson ardent, à Aaron dans sa verge et sa fleur, à Gédéon dans la toison et la rosée, Salomon l’annonce clairement dans la femme forte et dans son prix ; Jérémie le dit plus clairement encore en parlant de la femme qui doit entourer un homme ; Isaïe le rapporte dans les termes les plus clairs à la Vierge et à Dieu ; et enfin l’ange Gabriel le montre en saluant cette Vierge même ; car c’est de cette Vierge-là que l’Évangéliste parle, quand il dit : « L’ange Gabriel fut envoyé de Dieu à une vierge qui était fiancée à Joseph. »

Pourquoi la sainte Vierge était-elle fiancée à un homme. 12. « À une vierge, dit-il, qui était fiancée. » Pourquoi était-elle fiancée, puisqu’elle était, comme je l’ai dit plus haut, la vierge élue, la vierge qui devait concevoir et enfanter, je me demande pourquoi elle était fiancée ; car elle ne devait point connaître le mariage. Qui oserait prétendre que cela se fit par hasard ? Non, le hasard n’a rien à voir là où une raison puissante agit de concert avec une manifeste utilité, avec la nécessité même, avec un motif tout à fait digne de la Sagesse de Dieu. Je vais exposer ce qui m’est venu à la pensée ou plutôt ce qui s’est présente sur ce point à l’esprit même des Pères. Au fond des fiançailles de Marie se trouve la même raison que dans le doute de l’Apôtre Thomas. C’était la coutume chez les Juifs que, à partir du jour des fiançailles jusqu’à la célébration des noces, les époux eussent la garde de leurs épouses ; c’était à eux de veiller sur leur chasteté, attendu que plus ils se conserveraient soigneusement leur chasteté, plus aussi ils devaient trouver dans leurs fiancées des épouses fidèles. De même donc que saint Thomas, en doutant, en touchant de ses propres mains, devint le témoin le plus sûr de la résurrection du Seigneur, ainsi Joseph en étant fiancé à Marie, et en veillant d’un œil plus attentif sur sa chasteté pendant le temps qu’elle était confiée à sa garde, devint le plus irré-