Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/604

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cusable témoin de sa pureté. Quel beau rapport il Comparaison entre le doute de saint Thomas et les fiançailles de Marie. V. aux notes. y a donc, en effet, entre le doute de saint Thomas et les fiançailles de Marie ! On aurait pu nous enlacer dans le filet de la même erreur, et nous rendre suspectes la foi de l’un et la charité de l’autre ; et voilà, au contraire, que, par un effet de la prudence et de la bonté de Dieu, la certitude se rétablit fermement dans nos âmes par le moyen même qui semblait devoir l’ébranler. En effet, pour ce qui est de la résurrection du Fils, je croirai bien plutôt, faible comme je le suis, à saint Thomas qui en a d’abord douté lui-même et qui a touché de ses propres mains le ressuscité, qu’à Cephas qui croit à cette résurrection au premier mot qu’on lui en dit ; de même je m’en rapporterai bien plus volontiers, pour la virginité de la Mère, au témoignage de son fiancé qui veillait sur elle et s’en est convaincu par lui-même, qu’aux assurances que la Vierge elle-même pourrait m’en donner en ne m’alléguant que le témoignage de sa conscience. Dites-moi, je vous le demande, quel homme, en la voyant enceinte sans être fiancée, ne la regarderait pas plutôt comme une femme de mauvaise vie que comme une vierge ? Or, il ne fallait pas qu’on pût s’exprimer ainsi au sujet de la Mère du Seigneur, et il était plus convenable et plus tolérable qu’on pût croire, pendant quelque temps, que ce Christ était le fruit d’une union légitime que de la fornication.

13. Vous me demanderez peut-être si Dieu ne pouvait point trouver un autre signe certain, pour empêcher qu’un soupçon injurieux planât sur sa naissance et que sa mère fût regardée comme coupable. Il le pouvait, sans aucun doute, mais les demons n’auraient point ignoré ce qu’ils auraient eu un moyen de connaître. Or, il fallait que le Prince de ce monde ne fût point instruit, pendant quelque Sagesse de Dieu dans le mystère de la rédemption des hommes. temps du moins, du secret des desseins de Dieu. Ce n’est pas que Dieu ait appréhendé, s’il agissait ouvertement, d’être entravé dans son entreprise par le démon, mais c’est que, faisant tout ce qu’il veut, non-seulement avec puissance, mais encore avec sagesse, il voulut, dans l’œuvre merveilleuse de notre rédemption, faire éclater sa prudence non moins que sa puissance, de même que, en toutes ses œuvres, il se plait à observer certaines convenances de choses et de temps dans l’intérêt de la beauté de l’ordre mêmes. Voilà pourquoi, tout en pouvant faire les choses autrement, s’il l’avait voulu, il aima mieux pourtant se réconcilier les hommes de la même manière et dans le même ordre qu’il savait qu’ils étaient tombés, et que, de même que le démon avait commencé par séduire la femme pour triompher de l’homme par elle, ainsi il commençât par être lui-même déçu par la femme pour être ensuite vaincu par l’homme qui est le Christ ; en sorte que, tandis que, d’un côté, l’art de la charité déjouait les ruses de la malice, de l’autre, la vertu du Christ brisât la force du démon et qu’il fût évident que Dieu est plus prudent et plus fort que Satan. Voilà comment il convenait que la sagesse incarnée vainquît la malice spirituelle, afin que, non-seulement elle atteignît avec force depuis une extrémité du monde jusqu’à l’autre, mais encore qu’elle disposât tout avec une égale douceur (Sap., viii, 1). Or, elle atteint d’une extrémité à l’autre, c’est-à-dire du ciel aux enfers ; car, selon le Psalmiste : « Si je monte dans le ciel, vous y faites votre demeure, si je descends dans l’enfer, vous y êtes présent (Psalm., cxxxviii, 8). » Mais aux deux extrémités il atteint avec force, car, du haut du