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Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/619

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Je le tiens pour mon Dieu et pour mon seigneur, et je déclare que je n’ai pas d’autre roi que le Seigneur Jésus. Venez donc, Seigneur, dispersez-les dans votre force, et vous régnerez en moi, car vous êtes mon roi, mon Dieu, le Dieu qui a sauvé bien des fois Jacob par votre seul commandement,

Marie ne se presse point de répondre. 3. Alors Marie dit à l’Ange : « Comment cela se fera-t-il ? car je ne connais point d’homme (Luc., i, 34.) » D’abord la Vierge prudente se tait tout le temps qu’elle doute et qu’elle se demande ce que signifiait ce salut, préférant garder un humble silence que de répondre précipitamment avant de savoir ce qu’elle devait dire. Mais une fois rassurée et qu’elle eut bien réfléchi (car en même temps que l’Ange lui parlait au dehors, Dieu même la persuadait au dedans, le Seigneur, en effet, était avec elle selon cette parole de l’Ange, « le Seigneur est avec vous, ») se sentant raffermie la crainte fit place à la foi, et la joie fit taire toute appréhension, elle dit à l’Ange : « Comment cela se fera-t-il, car je ne connais point d’homme ? » Elle ne doute point que ce ne soit possible, mais elle s’enquiert de la manière dont les choses se feront et en quel ordre elles doivent se passer. En effet, elle se demande si pareille chose est possible, mais seulement comment elle se fera. C’est comme si elle avait dit : Comme mon Seigneur qui lit dans ma conscience, connaît le vœu que sa servante a fait de ne jamais connaître d’homme, par quel moyen, de quelle manière lui plaira-t-il que la chose se passe ? S’il faut que je renonce à mon vœu pour devenir la mère d’un tel fils, je suis heureuse du fils qui m’est promis, mais je suis inquiète pour mon vœu : pourtant que sa volonté soit faite. Mais si je dois sans cesser d’être vierge concevoir un fils et le mettre au monde, ce qui n’est pas impossible pour lui s’il veut qu’il en soit ainsi, alors je verrai qu’en vérité il a daigné regarder d’un œil favorable son humble servante. « Comment donc cela se fera-t-il ? car je connais point d’homme. » L’Ange lui répondit :« Le Saint-Esprit surviendra en vous et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre (Luc., i, 34 et 35). » L’Ange a dit plus haut à Marie qu’elle est pleine de grâce, comment se fait-il donc qu’il lui dise maintenant : « Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu Comment l’Esprit-Saint survécut en Marie. du Très-Haut vous couvrira de son ombre ? » Est-ce qu’elle pouvait être pleine de grâce et n’avoir point encore le Saint-Esprit qui est le dispensateur même des grâces ? Si, au contraire, le Saint-Esprit était déjà en elle, comment donc l’Ange peut-il lui promettre qu’il surviendra de nouveau en elle ? Peut-être bien au lieu de dire simplement, « il viendra en vous, » dit-il « il surviendra, il viendra sur vous » parce que comme il était déjà en elle par la plénitude des grâces, il lui annonce qu’il viendra sur elle pour signifier la surabondante plénitude de grâces qu’il doit répandre sur elle. Mais si elle est déjà pleine de grâce, comment pourra-t-elle en recevoir d’avantage ? Si, au contraire, elle peut recevoir encore quelques grâces de plus qu’elle n’en a, en quel sens faut-il entendre qu’elle était pleine de grâce ? Serait-ce que la première grâce ne remplissant que son âme, la seconde doit remplir son sein, puisque la plénitude de la divinité qui se trouvait auparavant en elle comme dans beaucoup de saints où elle habite spirituellement,