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MORT DE LOUIS XIII.

trop les esprits des personnes qui nécessairement après lui se trouveroient portées de droit au timon des affaires, pour ne leur laisser la disposition que de celles qu’il ne pouvoit pas faire avant de mourir. Il dicta donc un long écrit à Chavigny de ses dernières volontés les plus particulières, et il y remplit tout ce qui vaquoit.

Il n’y avoit point de grand écuyer depuis la mort funeste de Cinq-Mars ; cette belle charge fut donnée à mon père : l’écrit dicté à Chavigny fut lu tout haut devant tout le monde, comme les dispositions concernant l’État l’avoient été, mais non devant le même nombre ni avec les mêmes cérémonies. Tout ce que le roi en put défendre pour ses obsèques le fut étroitement, et comme il s’occupoit souvent de la vue de Saint-Denis, que ses fenêtres lui découvroient de son lit, il régla jusqu’au chemin de son convoi pour éviter le plus qu’il put à un nombre de curés de venir à sa rencontre, et il ordonna jusqu’à l’attelage qui devoit mener son chariot avec une paix et un détachement incomparables, un désir d’aller à Dieu, et un soin de s’occuper toujours de sa mort, qui le fit descendre dans tous ces détails.

Mon père, éperdu de douleur, ne put répondre au roi qui lui apprit qu’il l’avoit fait grand écuyer, que par se jeter sur ses mains et les inonder de ses larmes, ni autrement que par elles aux compliments qu’il en reçut. Sa douleur lui déroba sans doute une infinité de grandes choses qui, dans le détail, se passèrent dans les derniers temps de la vie de son maître, et c’est sans doute ce qui m’a empêché de savoir par lui ce que j’ai appris de Priolo.

C’étoit un noble Vénitien, né en France d’un père exilé de sa patrie, et qui s’attacha au duc de Longueville, qui à la mort de Louis XIII venoit d’épouser en secondes noces la fille de M. le Prince qui a fait tant de bruit dans le monde, parmi les troubles et les guerres civiles de la jeunesse de Louis XIV. Priolo a fait une histoire latine de cette mino-