Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/166

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qui l’étoient ; et de bien traiter ceux qui ne l’étoient pas et surtout de faire enlever du champ de bataille tout ce qui n’étoit pas mort et qu’on put emporter.

Le maréchal de Lorges passa le Rhin et prit la ville et le château d’Heidelberg, puis passa le Necker et prit Zuingenberg, où Vaubecourt eut un pied cassé et le prince d’Épinay a été dangereusement blessé. La jonction faite de Monseigneur, le maréchal de Lorges voulut attaquer Heilbronn : Monseigneur y trouva de la difficulté. Le maréchal s’y est opiniâtré, les a toutes levées et les troupes ne demandoient qu’à donner, lorsqu’un petit conseil particulier de Saint-Pouange et de M. le Premier [1] a tout arrêté. Le maréchal s’est mis en furie, mais Chaulny ayant été entraîné par les deux autres, et Monseigneur penchant fort de ce côté, il n’y a pas eu moyen de le résoudre, au grand regret des principaux généraux et de toutes les troupes. Le reste de la campagne se passa en subsistances abondantes, et Monseigneur revint de bonne heure avec ses trois conseillers pacifiques. Monsieur avec le maréchal d’Humières étoit revenu longtemps avant lui de Pontorson, où il s’étoit le plus fixé. Il avoit fait un tour en Bretagne, où le duc de Chaulnes l’avoit reçu et traité avec une magnificence royale. Monsieur eut des relois du roi à Dreux, et trouva Madame qui venoit d’avoir la petite vérole.

Tourville prit ou défit et dissipa presque toute la flotte marchande de Smyrne dont il battit le convoi, et fit encore plusieurs moindres expéditions, cette même campagne, qui coûtèrent fort cher aux Anglois et aux Hollandois. Rocke qui commandoit cette flotte eut près de cinquante vaisseaux brûlés ou coulés à fond, et vingt-sept pris, tous marchands et richement chargés : sur un seul de ceux qu’on prit la charge fut estimée cinq cent mille écus, et on croit la perte

  1. On appeloit M. le Premier le premier écuyer de la petite écurie du roi. C’étoit à cette époque Jacques-Louis de Beringhen.