Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/232

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secrètement à chacun sa part, pour, à cette condition, obtenir un acquiescement de ceux qui s’en trouveroient éblouis. Malheureusement pour MM. d’Estrées le procès de M. de Luxembourg avoit uni ceux qu’il attaquoit, et les rassembloit en ce temps-là chez Riparfonds, leur avocat, toutes les semaines, une fois de règle, et très-souvent davantage. Là, chacun rapporta ce qui lui avoit été proposé par MM. d’Estrées sous le spécieux prétexte d’accélérer leur mariage, et d’éviter les piques et les brouilleries qui naissent si aisément de ces sortes d’affaires, mais sans toutefois aucune inquiétude du succès. On y trouva : 1° un défaut de droit radical tel que je le viens d’expliquer ; 2° la proposition de céder l’ancienneté illusoire comme ne dépendant point d’un duc d’Épernon par héritage, puisqu’il ne le pouvoit être qu’au titre, et par conséquent de la date de son érection, et que de plus, quand il la pourroit céder, ses enfants seroient toujours en état de la reprendre. Il fut donc résolu de se moquer de ses manèges, et de répondre sur le même ton que les services et le crédit de MM. d’Estrées devoient plutôt leur procurer une érection nouvelle en faveur de M. le comte d’Estrées, qu’un procès dont nous soutiendrions unanimement le poids sans aucune crainte de l’issue. MM. d’Estrées, voyant ainsi la ruse et la menace inutiles, sentirent bien qu’ils ne réussiroient pas : le mariage fut rompu, et il ne fut plus question de cette prétention.

Toutes ces affaires différentes ne furent rien en comparaison d’une autre qu’elles firent naître, et dont l’entreprise donna lieu à la plus grande plaie que la pairie pût recevoir, et qui en devint la lèpre et le chancre. L’abbé de Chaulieu, qui gouvernoit les affaires de M. de Vendôme, imagina de lui faire prétendre l’ancienneté de la première érection de Vendôme en faveur du père du roi de Navarre, père d’Henri IV, et d’attaquer les ducs d’Uzès, d’Elbœuf, Ventadour, Montbazon ou Guéméné, et La Trémoille ses anciens. Feu M. d’Elbœuf, père de celui-ci, s’étoit toujours montré