Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/233

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fort uni aux pairs, et fort jaloux des droits et du rang de la pairie en ce qui ne touchoit point les princes étrangers. M. de Chaulnes avoit attaqué M. d’Elbœuf par de fines railleries sur son indolence contre M. de Luxembourg, et il étoit venu à bout de l’exciter à imiter son père jusqu’à lui faire des remerciements de lui avoir ouvert les yeux, et il en étoit là, lorsque M. de Vendôme, persuadé par l’abbé de Chaulieu, obtint la permission du roi d’attaquer ses anciens, et leur donna la première assignation. Comme cela ne fut point poussé, je n’entrerai pas dans le prétendu droit de l’un ni dans celui des autres. L’affaire se commença à l’ordinaire fort civilement de part et d’autre, mais à peine y eut-il quelques procédures commencées que l’humeur s'y mit.

Dans ces circonstances, il arriva ce qui n’arrivoit presque jamais, et que depuis ne vit-on peut-être plus, que des gens sans chargé suivissent le roi s’allant promener de Versailles à Marly. Le roi alloit toujours seul dans une calèche. Ce jour-là le second carrosse fut du capitaine des gardes et de M. de La Rochefoucauld, et avec eux, de M. le Grand, qui ne suivoit guère, et par extraordinaire des ducs d’Elbœuf et de Vendôme. Ces deux derniers parlèrent bientôt de leur procès avec civilités réciproques ; mais sur les significations réciproques, ils s’aigrirent, se picotèrent, et enfin se querellèrent. M. d’Elbœuf dit à M. de Vendôme qu’il n’étoit de naissance ni de dignité à ne rien céder et qu’il le précéderoit partout comme avoient fait ses pères. M. de Vendôme lui répondit avec feu qu’il ne pouvoit pas avoir encore oublié que son père n’avoit pas pris l’ordre parce qu’il l’y auroit précédé. L’autre à lui répliquer avec encore plus de chaleur qu’une fois n’étoit pas coutume, et que lui-même se pouvoit souvenir de l’aventure de son grand-père aux obsèques d’Henri IV qui, aux termes de la déclaration d’Henri IV d’un mois auparavant et non enregistrée, voulut prendre le premier rang et qui fut pris lui-même par le bras par le duc de Guise qui lui dit que ce qui pouvoit être