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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/247

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n’entendoit parler de nous que par eux. Ce mépris que nous affections et que nous publiions même le désoloit tellement, qu’un jour qu’ils étoient allés lui parler, il leur dit qu’il ne pouvoit pas douter que nous ne cherchassions toutes sortes de moyens pour le récuser, que la chose n’étoit pourtant pas difficile, puisque nous n’avions qu’à mettre le duc de Gesvres en cause, duquel il avoit l’honneur d’être parent. Il fut servi avec promptitude : M. de Gesvres reçut le surlendemain une assignation de notre part. La raison s’en voit ci-dessus dans la généalogie : il étoit fils de la fille et sœur des deux ducs de Piney-Luxembourg. Je ne comprends pas comment aucun de nous ni de notre conseil ne trouva pas ce moyen. Le premier président ne tarda pas à se repentir de nous en avoir avisés, mais il demeura récusé.

L’affaire en resta là pour cette année. La belle saison rappela M. de Luxembourg et ses trois fils en Flandre ; pas un de ses gens d’affaires, ni de ses protecteurs, ne voulurent s’en charger en son absence, non plus que l’abbé de Luxembourg son fils. La mort du duc de Sully qui arriva pendant la campagne fit un délai naturel de quatre mois, et la maladie de Portail, notre rapporteur, dura jusqu’à la fin de l’année, et gagna la mort de M. de Luxembourg, que je rapporterai en son temps.

Cet hiver finit enfin la fameuse maison de Longueville, si connue par sa fortune inouïe et si prodigieusement soutenue jusqu’à son extinction. M. de Longueville, qui parut tant de divers côtés pendant les troubles de la minorité de Louis XIV, n’avoit laissé que la duchesse de Nemours de son premier mariage avec la sœur de la princesse de Carignan et du dernier comte de Soissons, prince du sang, tué à la bataille de Sedan, le dernier de cette branche. De son second mariage avec la fameuse duchesse de Longueville, sœur de M. le Prince, le héros, et de M. le prince de Conti, il n’avoit eu que deux fils : le cadet, d’une grande espérance, tué au passage du Rhin, sans alliance ; l’autre, d’un