Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/292

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sœur du premier lit, fille de la sœur de la princesse de Carignan et du dernier prince du sang de la branche de Soissons, tué en 1641 à la bataille de Sedan, sans avoir été marié. Mme de Nemours étoit veuve sans enfants du dernier des ducs de Nemours de la maison de Savoie. C’étoit une femme fort haute, extraordinaire, de beaucoup d’esprit, qui se tenoit fort chez elle à l’hôtel de Soissons, où elle ne voyoit pas trop bonne compagnie. Riche infiniment et vivant très-magnifiquement, avec une figure tout à fait singulière et son habit de même, quoique sentant fort sa grande dame. Elle avoit hérité de la haine de la branche de sa mère contre celle de Condé ; elle s’étoit fort accrue par l’administration des grands biens de M. de Longueville, qu’après la mort de sa mère, sœur de M. le Prince, le même M. le Prince avoit emportée sur elle, et M. le Prince son fils après lui. Le testament fait en faveur de M. le prince de Conti ne la diminua pas. Il s’en trouva un postérieur fait en faveur de Mme de Nemours ; elle prétendit le faire valoir et anéantir le premier. M. le prince de Conti soutint le sien et disputa l’autre comme fait depuis la démence : cela forma un grand procès.

Dans la colère où il mit Mme de Nemours et dans le mépris où elle avoit toujours vécu pour ses héritiers, elle déterra un vieux bâtard obscur du dernier comte de Soissons, frère de sa mère qui avoit l’abbaye de la Couture du Mans, dont il vivoit dans les cavernes. Il n’avoit pas le sens commun, n’avoit jamais servi, ni fréquenté en toute sa vie un homme qu’on pût nommer. Elle le fit venir, loger chez elle, et lui donna tout ce qu’elle pouvoit donner et en la meilleure forme, et ce qu’elle pouvoit donner étoit immense.

Dès lors elle le fit appeler le prince de Neuchâtel, et chercha à l’appuyer d’un grand mariage. Mlle de Luxembourg n’étoit rien moins que belle, que jeune, que spirituelle ; elle ne vouloit point être religieuse et on ne lui vouloit rien donner. La duchesse de Meckelbourg dénicha ce nouveau parti. Son orgueil ne rougit point d’y penser, ni celui de M. de Luxembourg