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(1695) CATASTROPHE DE LA DUCHESSE D'HANOVRE 243

qu’il eût voulu ignorer toute sa vie ; mais ce ne fut qu’après longtemps. La fureur le saisit : il fit arrêter le comte et tout de suite jeter dans un four chaud. Aussitôt après il renvoya sa femme à son père, qui la mit en un de ses châteaux, gardée étroitement par des gens du duc d’Hanovre. Il fit assembler le consistoire pour rompre son mariage. Il y fut décidé fort singulièrement qu’il l’étoit à son égard, et qu’il pouvoit épouser une autre femme ; mais qu’il subsistoit à l’égard de la duchesse d’Hanovre ; qu’elle ne pouvoit se remarier, et que les enfants qu’elle avoit eus pendant son mariage étoient légitimes. Le duc d’Hanovre ne demeura pas persuadé de ce dernier article.

Le roi, tout occupé de la grandeur solide de ses enfants naturels, venoit de donner au comte de Toulouse toutes les distinctions, l’autorité et les avantages dont son office d’amiral pouvoit être susceptible entre ses mains. Il lui avoit donné depuis longtemps le gouvernement de Guyenne, à la mort du duc de Roquelaure, père de celui-ci ; et pendant sa jeunesse, le maréchal de Lorges en avoit eu le commandement et tous les appointements, qui n’avoient cessé que lorsque, par la cascade que fit la mort du maréchal d’Humières, il eut le gouvernement de Lorraine, comme je l’ai dit. M. de Chaulnes avoit depuis très-longtemps le gouvernement de Bretagne, et il y étoit adoré. À ce gouvernement l’amirauté de la province étoit unie, qui valoit extrêmement. Rien ne convenoit mieux à un amiral de France que de la réunir à lui, et que le gouvernement de cette vaste péninsule, bordée par la mer de trois côtés. Le roi y pensa donc avec d’autant plus d’empressement, qu’il s’étoit engagé [à donner] à Monsieur le premier gouvernement de province qui viendroit à vaquer, pour M. le duc de Chartres, et c’étoit une parole donnée à l’occasion du mariage de ce prince. M. de Chaulnes étoit vieux et fort gros ; le roi craignoit que la Bretagne lui échappât pour le Comte de Toulouse par sa vacance, et il résolut, pour la prévenir, le troc de ces deux