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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/31

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xxvii
INTRODUCTION.

sa pensée et des interprètes. Et Montesquieu n’avait-il pas alors vingt-cinq ans ?

À dater de ce moment (1715), les Mémoires de Saint-Simon changent un peu de caractère. Membre du conseil de Régence, il est devenu un des personnages du gouvernement, et, bien que rarement ses avis prévalent, il est continuellement admis à les donner et ne s’en fait pas faute ; on a des entretiens sans nombre où la matière déborde sous sa plume comme elle abondait sur ses lèvres ; l’intérêt, qui se trouve toujours dans de certaines scènes et dans d’admirables portraits des acteurs, y languit par trop de plénitude et de regorgement. Le règne de Louis XIV où il était contenu allait mieux à Saint-Simon que cette demi-faveur de la Régence, où il a beaucoup plus d’espace sans avoir pour cela d’action bien décisive. Il ne fut point ministre parce qu’il ne le voulut pas ; il aurait pu l’être à un instant ou à un autre, mais il se pliait peu aux combinaisons diverses et n’en augurait rien de bon ; il ne trouvait point dans le duc d’Orléans l’homme qu’il aurait voulu et qu’il avait tant espéré et regretté dans le duc de Bourgogne ; il lui reprochait précisément d’être l’homme des transactions et des moyens termes, et le Prince, à son tour, disait de son ardent et peu commode ami « qu’il était immuable comme Dieu et d’une suite enragée, » c’est-à-dire tout d’une pièce. À un certain jour (1721), Saint-Simon, dans un intérêt de famille, désira l’ambassade d’Espagne, et il l’eut aussitôt. Cette mission fut plus honorifique que politique, et il l’a racontée fort au long[1]. Ce fut son dernier acte de représentation. La mort subite du Régent (1723) vint peu après l’avertir de ce que la mort du duc de Bourgogne lui avait déjà dit si éloquemment au cœur, que les choses du monde sont périssables,

  1. Moins au long toutefois qu’il n’a semblé jusqu’ici, d’après les éditions précédentes : car, dans la première qui a servi aux réimpressions, on a jugé à propos de transposer, du tome iiie au xixe, plus de 100 pages relatives aux grandesses d’Espagne, et on en a bourré le récit de l’ambassade de Saint-Simon.