Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/499

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cette ambassade il eut l’ordre du Saint-Esprit en la promotion de 1661. Il eut grande part à la fortune de son frère qui lui déféroit beaucoup. Il passa à Metz en 1668 avec tout ce qui lui fallut de Rome pour conserver le rang et les honneurs d’archevêque. Le roi lui parloit toujours et plaisantoit avec lui ; il mettoit d’autres seigneurs en jeu, et cela faisoit des conversations souvent fort divertissantes. On l’attaquoit fort sur son avarice, il en rioit le premier, et jamais le roi ne le put réduire à porter un Saint-Esprit sur sa soutanelle comme les autres. Il disoit que celui du manteau suffisoit, que la soutanelle étoit comme la soutane où on n’en mettoit point, et que la vanité avoit mis cela à la mode. Les autres lui répondoient qu’il n’en vouloit point pour épargner deux écus que cela coûtoit sur chaque soutanelle ; et c’étoit ainsi des prises sur sa chère, sur son équipage, et sur tout, qu’il soutenoit avec beaucoup d’esprit, et se ruant à son tour en attaques fort plaisantes. Il conserva un grand crédit et une grande considération jusqu’à sa mort, et les ministres le ménageoient. Il étoit bon évêque, résidant et fort appliqué à ses devoirs. Il avoit quatre-vingt-cinq ans, et il y en avoit trois ou quatre qu’il étoit peu à peu tout à fait tombé en enfance : il laissa un riche héritage à son neveu.

Cette mort arriva fort mal à propos pour M. de Cambrai. Il n’étoit plus à portée de rien ; mais il eut la douleur de voir donner l’ordre à M. de Paris, et la place de conseiller d’État d’Église à M. de Meaux. Ce dégoût fut suivi d’un autre. Mme de Maintenon chassa de Saint-Cyr trois dames principales, dont une avoit eu longtemps toute sa faveur et sa confiance, et elle ne se cacha pas de dire qu’elle les chassoit à cause de leur entêtement pour Mme Guyon et pour sa doctrine. Tout cela, avec l’examen de son livre dont il ne se pouvoit rien promettre de favorable, lui fit prendre le parti d’écrire au pape, de porter son affaire devant lui, et de demander permission au roi d’aller la soutenir à Rome ; mais