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NOTES.

que j’ai vu, n’est point embarrassée qu’on la regarde, comme une personne qui a vu du monde. Elle fait mal la révérence et d’un air un peu italien ; elle a quelque chose d’une Italienne dans le visage, mais elle plaît, et je l’ai vu dans les yeux de tout le monde. Pour moi, j’en suis tout à fait content.

« Elle ressemble fort à son premier portrait, et point du tout à l’autre. Pour vous parler comme je fais toujours, je la trouve à souhait, et serois fâché qu’elle fût plus belle. Je le dirai encore tout plait hormis la révérence.

« Je vous en dirai davantage après souper ; car je remarquerai bien des choses que je n’ai pas pu voir encore. J’oubliois de vous dire qu’elle est plutôt plus petite que grande pour son âge. Jusqu’à cette heure j’ai fait merveille ; j’espère que je soutiendrai un certain air aisé que j’ai pris jusqu’à Fontainebleau, où j’ai grande envie de me retrouver.

À dix heures.

« Plus je vois la princesse, plus je suis satisfait. Nous avons été dans une conversation publique où elle n’a rien dit ; c’est tout dire. Je l’ai vu déshabiller ; elle a la taille très-belle, on peut dire parfaite, et une modestie qui vous plaira. Tout s’est bien passé à l’égard de mon frère. Il est fort chagrin ; il dit qu’il est malade. Nous partirons demain à dix heures et demie ou onze heures ; nous arriverons à cinq heures au plus tard.

« Je suis tout à fait content [Rien] que de bien à propos en répondant aux questions qu’on lui faisoit. Elle a peu parlé, et la duchesse du Lude m’a dit qu’elle l’avoit avertie que le premier jour elle feroit bien d’avoir une grande retenue. Nous avons soupé elle n’a manqué à rien, et est d’une politesse surprenante à toutes choses ; mais à moi et à mon fils, elle n’a manqué à rien, et s’est conduite comme vous pourriez faire. J’espère que vous la serez aussi. Elle a été regardée et observée, et tout le monde paroit satisfait de bonne foi. L’air est noble et les manières polies et agréables. J’ai plaisir à vous en dire du bien ; car je trouve que, sans préoccupation et sans flatterie, je le peux faire, et que tout m’y oblige. Ne voulant dire tout ce que je pense, je vous donne mille bons. (deux lignes effacées)[1]

  1. Ces deux lignes sont tellement biffées qu’il est impossible d’en apercevoir un seul mot. Il est à présumer qu’elles renfermaient les expressions d’une tendresse conjugale. Mme de Maintenon, en conservant cette lettre à cause de son importance historique, en a fait disparaître ce qui aurait pu être un indice de son union avec Louis XIV. (Note de M. Monmerqué.)