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[1692]
SIÈGE DE NAMUR

pagnie des mousquetaires ; il avoit plus de quatre-vingts ans, et fut fort regretté du roi et de sa compagnie. Toutes les deux se joignirent pour lui rendre les derniers devoirs militaires. Sa compagnie fut à l’instant donnée à M. de Vins qui la commandoit sous lui, beau-frère de M. de Pomponne, et qui, maréchal de camp en l’armée d’Italie, commandoit lors un gros corps pour couvrir la Provence, où il servit très-utilement, et fut l’année suivante lieutenant général.

L’armée changea de camp pour le siège du château. En arrivant chacun dans le lieu qui lui étoit marqué, le régiment d’infanterie du roi trouva son terrain occupé par un petit corps des ennemis qui s’y retranchoient, d’où il résulta à l’instant un petit combat particulier assez rude. M. de Soubise, lieutenant général de jour, y courut et s’y distingua. Le régiment du roi acquit beaucoup d’honneur avec peu de perte, et les ennemis furent bientôt chassés. Le roi en fut très-aise par son affection pour ce régiment qu’il a toujours particulièrement tenu pour sien entre toutes ses troupes.

Ses tentes et celles de toute la cour furent dressées dans un beau pré à cinq cents pas du monastère de Marlaigne. Le beau temps se tourna en pluies, de l’abondance et de la continuité desquelles personne de l’armée n’avoit vu d’exemple, et qui donnèrent une grande réputation à saint Médard, dont la fête est au 8 juin. Il plut tout ce jour-là à verse, et on prétend que le temps qu’il fait ce jour-là dure quarante jours de suite. Le hasard fit que cela arriva cette année. Les soldats, au désespoir de ce déluge, firent des imprécations contre ce saint, en recherchèrent des images et les rompirent et brûlèrent tant qu’ils en trouvèrent. Ces pluies devinrent une plaie pour le siège. Les tentes du roi n’étoient communicables que par des chaussées de fascines qu’il falloit renouveler tous les jours, à mesure qu’elles s’enfonçoient ; les camps et les quartiers n’étoient pas plus accessibles ; les tranchées pleines d’eau et de boue, il falloit souvent trois jours pour remuer le canon d’une batterie à une autre. Les