Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/108

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toutes les héroïnes de ce roman alors fort à la mode. Mme la duchesse d’Orléans souhaita fort que M. de Castries, mari de sa dame d’atours, eût la place qu’avoit Villars auprès d’elle ; Monsieur, qui a toujours fort aimé Mme de Montespan, y consentit, et M. du Maine acheva l’affaire auprès du roi.

Quelque temps après mourut M. de Brienne, l’homme de la plus grande espérance de son temps en son genre, le plus savant, et qui possédoit à fond toutes les langues savantes et celles de l’Europe. Il eut de très-bonne heure la survivance de son père, qui avoit eu la charge de secrétaire d’État du département des affaires étrangères, lorsque Chavigny fut chassé. Loménie qui vouloit rendre son fils capable de la bien exercer, et qui n’avoit que seize ou dix-sept ans, l’envoya voyager en Italie, en Allemagne, en Pologne, et par tout le Nord jusqu’en Laponie. Il brilla fort, et profita encore plus dans tous ces pays, où il conversa avec les ministres et ce qu’il y trouva de gens plus considérables, et en rapporta une excellente relation latine. Revenu à la cour, il y réussit admirablement, et dans son ministère, jusqu’en 1664 qu’il perdit sa femme, fille de ce même Chavigny, et sœur de M. de Troyes, de la retraite duquel j’ai parlé, de la maréchale Clérembault, etc. Il l’avoit épousée quatre ans après la mort de Chavigny. Il fut tellement affligé de cette perte, que rien ne put le retenir. Il se jeta dans les pères de l’Oratoire et s’y fit prêtre. Dans les suites il s’en repentit. Il écrivit des lettres, des élégies, des sonnets beaux et pleins d’esprit, et tenta tout ce qu’il put pour rentrer à la cour et en charge.

Cela ne lui réussit pas ; la tête se troubla, il sortit de sa retraite et se remit à voyager. Il lui échappa beaucoup de messéances à son état passé et à celui qu’il avoit embrassé depuis. On le fit revenir en France, où, bientôt après, on l’enferma dans l’abbaye de Château-Landon. Sa folie ne l’empêcha pas d’y écrire beaucoup de poésies latines et françaises, parfaitement belles et fort touchantes, sur ses mal-