Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/125

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consentoit à leur perte, et le duc de Noailles, qui songeoit à s’assurer la dépouille de M. de Beauvilliers, poussoit incessamment à la roue. Il ne vouloit pas moins que la charge de gouverneur des enfants de France, celle de chef du conseil des finances, et celle de ministre d’État. Il sentoit que si le roi pouvoit se laisser persuader, sous prétexte du danger de la doctrine et de la confiance, d’ôter ses petits-fils à Beauvilliers, il n’étoit plus possible qu’il pût demeurer à la cour, et que, par nécessité, les deux autres places seroient en même temps vacantes, et que toutes trois ne pouvoient guère que le regarder, dans l’heureuse et nouvelle position où il se trouvoit. Les difficultés qui se rencontroient et qui se multiplioient à Rome sur la condamnation de M. de Cambrai, et la conduite qu’y tenoit le cardinal de Bouillon, malgré des ordres si contraires, aigrissoit la cabale au dernier point, et devint enfin le moyen qu’elle mit en œuvre pour culbuter les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers.

Mme de Maintenon la proposa au roi comme un moyen auquel il était obligé en conscience, pour le succès de la bonne cause, et ôter à la mauvaise les appuis qu’elle faisoit valoir à Rome, où on ne pouvoit croire que, s’il était aussi convaincu qu’il vouloit qu’on le crut des opinions de MM. de Paris, de Meaux et de Chartres, contre celle de M. de Cambrai, il ne laisseroit pas le plus grand protecteur et le plus déclaré de la dernière, dans les places de son conseil, beaucoup moins dans celle de gouverneur de ses petits-fils, avec un nombre de subalternes qu’il y avoit mis, et qui étoient tous dans cette même doctrine ; que cette apparence si plausible, soutenue des démarches du cardinal de Bouillon, donnoit un poids à Rome, qui embarrassoit le pape ; qu’il en répondroit devant Dieu s’il laissoit plus longtemps un si grand obstacle, et qu’il étoit temps de le renverser, et de montrer au pape par cet exemple qu’il n’avoit aucune sorte de ménagement à garder.

Tout jeune que j’étois, je fus assez instruit pour tout