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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/158

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Assez longtemps après, la cour prit tout à fait le dessus pour toujours, et blessée alors des suppressions extorquées, elle rendit les tabourets.

M. de Soubise né, comme il le disoit lui-même, mais bien bas à ses amis particuliers, en riant et s’applaudissant de sa bonne fortune et de sa sage politique, né gentilhomme avec quatre mille livres de rente, et devenu prince à la fin avec quatre cent mille livres de rente, avoit épousé une riche veuve qui n’étoit rien d’elle ni de son premier mari dont elle n’avoit point d’enfants, qui lui donna tout son bien par le contrat de mariage. Elle ne fut point assise, et M. de Soubise ni pas un des siens n’imagina de le prétendre. Cette femme mourut en 1660. Avec ce bien demeuré à M. de Soubise, on songea dans sa famille à le remarier et à en tirer parti.

Mme de Chevreuse, toujours la mieux avec la reine, et d’autant plus que les troubles étoient bien disparus, et que le cardinal Mazarin étoit mort en 1661, qui eût été obstacle aux vues élevées de Mme de Chevreuse, imagina d’unir son crédit à celui de Mme de Rohan, qui sans faveur comme elle, étoit fort considérée, pour faire le mariage de sa fille aînée en lui faisant donner le tabouret. C’étoit en 1663. M. de Louvois étoit encore trop petit garçon, et son père trop fin et trop politique pour oser branler devant M. de Turenne, comme il s’y éleva longtemps depuis, et ce grand capitaine étoit dans l’apogée de sa faveur et de sa considération personnelle, avec un crédit que rien ne balançoit ; il étoit lors fort huguenot, Mme de Rohan encore davantage, Cet intérêt et la figure qu’ils faisoient dans leur religion, les avoit intimement unis, il ne bougeoit de chez elle ; et quand ses filles alloient au bal ou en quelque autre partie où la bienséance de ce temps-là vouloit que des hommes de nom les accompagnassent, Mme de Rohan, à cause de M. de Turenne, ne les confioit jamais qu’à MM. de Duras ou de Lorges ses neveux, qui étoient chez elle comme les enfants de la maison,