Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/267

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M. de Cambrai et MM. de Meaux et de Chartres se traitèrent fort mal. Le roi pressoit le jugement à Rome, où, fort mécontent de la conduite du cardinal de Bouillon à cet égard, il crut hâter l’affaire en donnant à Mme de Lévi le logement de M. de Cambrai à Versailles, et défendant à ce prélat de plus prendre la qualité de précepteur des enfants de France dont il lui avoit déjà ôté les appointements, et le fit dire au pape et à la congrégation établie pour juger. En effet, le cardinal de Bouillon, lié comme on l’a vu ci-dessus avec M. de Cambrai, ses principaux amis, et les jésuites, quoique chargé des affaires du roi à Rome, et recevant ordres sur ordres de presser le jugement et la condamnation de M. de Cambrai, mettoit tout son crédit à le différer et à éviter qu’il fût condamné. Il en reçut des reproches du roi fort durs qui ne lui firent pas changer de conduite au fond, niais qui lui firent chercher des excuses et des couleurs. Mais quand il vit enfin qu’il n’y avoit plus à reculer, il ne rougit point d’être solliciteur et juge en même temps et de solliciter contre les ordres du roi, directement contraires, en faveur de M. de Cambrai, pour qui l’ambassadeur d’Espagne sollicitoit aussi au nom du roi son maître. Ce ne fut pas tout : le jour du jugement il ne se contenta pas d’opiner pour M. de Cambrai de toute sa force, mais il essaya d’intimider les consulteurs. Il interrompit les cardinaux de la congrégation, il s’emporta, il cria, il en vint aux invectives, de manière que le pape, instruit de cet étrange procédé et scandalisé à l’excès, ne put s’empêcher de dire de lui : « È un porto ferito, c’est un sanglier blessé. » Il s’enferma chez lui à jeter feu et flammes, et ne put même se contenir quand il fut obligé de reparaître. Le pape prononça la condamnation, qui fut dressée en forme de constitution, et où la cour de Rome, sûre de l’impatience du roi de la recevoir, inséra des termes de son style que la France n’admet point. Le nonce qui la reçut par un courrier la porta aussitôt au roi qui en témoigna publiquement sa joie. Le nonce parla au roi