Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/276

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ne fit pas tant de vide et de regrets, nonobstant sa naissance et sa dignité. C’étoit un très-bon et honnête homme, et rien de plus, qui à force d’exils, de prisons, d’enlèvements de ses enfants, et de tous les tourments dont on s’étoit pu aviser, s’étoit fait catholique. Le roi eut soin de le bien faire assister, pour qu’il mourût tel. Sa femme, enfin, avoit eu permission de se retirer en Angleterre, et d’y jouir de son bien. Elle y fut en estime et en considération, et y eut le rang de duchesse.

Peu après la mort de Racine, Valincour fut choisi pour travailler à l’histoire du roi en sa place, avec Despréaux. Je ne sais quelle connoissance il avoit eue auprès de Mme de Montespan. Ce fut par elle qu’il fut mis auprès de M. le comte de Toulouse, dès sa première jeunesse reconnue, et bientôt après fut secrétaire général de la marine. C’étoit un homme d’infiniment d’esprit, et qui savoit extraordinairement ; d’ailleurs un répertoire d’anecdotes de cour où il avoit passé sa vie dans l’intrinsèque, et parmi la compagnie la plus illustre et la plus choisie, solidement vertueux et modeste, toujours dans sa place, et jamais gâté par les confiances les plus importantes et les plus flatteuses.

D’ailleurs très-difficile à se montrer, hors avec ses amis particuliers, et peu à peu très-longtemps devenu grand homme de bien. C’étoit un homme doux, gai, salé, sans vouloir l’être, et qui répandoit naturellement les grâces dans la conversation, très-sûr et extrêmement aimable, qui avoit su conserver la confiance du roi, être considéré de Mme de Maintenon, et ne lui être point suspect, en demeurant publiquement attaché à Mme de Montespan jusqu’à sa mort, et à tous les siens après elle. M. le comte de Toulouse avoit aussi toute confiance en lui, quoique parfaitement brouillé avec M. d’O et sans nul commerce ensemble. On ne l’en estimoit pas moins, quoique lui-même estimât fort peu ce gouverneur de la personne et de la maison de son maître.