Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/290

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fut ainsi exécuté depuis, et fort souvent encore après à Versailles, par les infirmités de M. le chancelier.

Le 12 août, Mme de Saint-Simon accoucha fort heureusement, et Dieu nous fit la grâce de nous donner un second fils, qui porta le nom de marquis de Ruffec, belle terre en Angoumois que ma mère avoit achetée de la sienne.

Un événement singulier fit beaucoup raisonner tout le monde. Il arriva en ce temps-ci tout droit à Versailles un maréchal de la petite ville de Salon en Provence, qui s’adressa à Brissac, major des gardes du corps, pour être conduit au roi à qui il vouloit parler en particulier. Il ne se rebuta point des rebuffades qu’il en reçut, et fit tant que le roi en fut informé et lui fit dire qu’il ne parloit pas ainsi à tout le monde. Le maréchal insista, dit que, s’il voyoit le roi, il lui diroit des choses si secrètes et tellement connues à lui seul, qu’il verroit bien qu’il avoit mission pour lui parler et pour lui dire des choses importantes ; qu’en attendant au moins, il demandoit à être renvoyé à un de ses ministres d’État. Là-dessus le roi lui fit dire d’aller trouver Barbezieux, à qui il avoit donné ordre de l’entendre. Ce qui surprit beaucoup, c’est que ce maréchal qui ne faisoit qu’arriver, et qui n’étoit jamais sorti de son lieu ni de son métier, ne voulut point de Barbezieux, et répondit tout de suite qu’il avoit demandé à être renvoyé à un ministre d’État, que Barbezieux ne l’étoit point, et qu’il ne parleroit point qu’à un ministre. Sur cela le roi nomma Pomponne, et le maréchal, sans faire ni difficulté ni réponse, l’alla trouver ; ce qu’on sut de son histoire est fort court : le voici. Cet homme revenant tard de dehors se trouva investi d’une grande lumière auprès d’un arbre, assez près de Salon.

Une personne vêtue de blanc, et pardessus à la royale, belle, blonde et fort éclatante, l’appela par son nom, lui dit de la bien écouter, lui parla plus d’une demi-heure, lui dit qu’elle étoit la reine qui avoit été l’épouse du roi, lui ordonna de l’aller trouver et de lui dire les choses qu’elle lui