Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/371

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

n’en vouloit plus voir aucun, tellement qu’il ne vit le cardinal d’Estrées que chez Mme sa mère et chez Mme sa femme. Le cardinal Le Camus n’étoit point rentré en grâce depuis sa promotion à l’insu du roi, et que sans sa permission il eût pris la calotte à Grenoble et se fût contenté de le mander au roi. Il n’eut jamais depuis la permission de sortir de son diocèse, que pour aller à Rome à la mort des papes. Encore ne l’eut-il pas d’aller au premier conclave, qui arriva depuis qu’il fut cardinal, et fut obligé de demeurer à Grenoble. Le cardinal Bonzi, tout à fait tombé de tête et de santé, ne fut pas en état d’y penser, et le cardinal de Fürstemberg, sucé jusqu’aux moelles par sa nièce, et qui était revenu très-précipitamment du dernier conclave, dans la peur d’être enlevé une seconde fois par les Impériaux, eut permission de demeurer. On avoit affaire de lui à la cour, et de ne le pas séparer de cette nièce qui le gouvernoit, qui n’auroit pu le suivre à Rome avec bienséance. Mme de Soubise avoit ses raisons pour les laisser ensemble, et ne les pas laisser écarter.

Le nonce Delfin fut relevé ici par Gualterio, vice-légat d’Avignon, que le roi préféra dans une liste de cinq sujets que le pape lui proposa. C’est un usage, tourné en espèce de droit que l’empereur et le roi ont ainsi le choix des nonces que Rome leur envoie. Je pense que le roi d’Espagne l’a aussi.

Gualterio, homme de beaucoup d’esprit, s’étoit gouverné dans sa vicelégation de manière à se rendre agréable au roi, dans la vue de cette nonciature, dont on ne sort point qu’avec le chapeau. Mailly, archevêque d’Arles, qui tout éloigné qu’il étoit de la pourpre y pensoit dès avant d’être évêque, comme je crois l’avoir dit, avoit profité de la position d’Arles pour lier des commerces sourds à Rome et amitié avec ce vice-légat. Les mêmes raisons lui firent désirer de la liaison entre lui et moi depuis qu’il fut déclaré nonce. Elle se fit et se tourna depuis en véritable estime et amitié de part et d’autre, qui se retrouvera en plus d’un