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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/385

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arrière du service, qui est des charges qui se placent derrière le roi, regardoit par la chatière et s’applaudissoit de sa malice noire. Cet amusement dura tout le bal, et le roi, tout contenu qu’il était toujours, riait aussi, et on ne se laissoit point d’admirer une invention si cruellement ridicule, ni d’en parler les jours suivants.

Il n’y avoit soir qu’il n’y eût bal. Mme la chancelière en donna un à la chancellerie, qui fut la fête la plus galante et la plus magnifique qu’il fût possible. Le chancelier y reçut à la portière Monseigneur, les trois princes ses fils et Mme la duchesse de Bourgogne sur les dix heures du soir, puis s’alla coucher au château. Il y eut des pièces différentes pour le bal paré, pour les masques, pour une collation superbe, pour des boutiques de tout pays, Chinois, Japonois, etc., qui vendoient des choses infinies et très-recherchées pour la beauté et la singularité, mais qui n’en recevoient point d’argent : c’étoient des présents à Mme la duchesse de Bourgogne et aux dames. Une musique à sa louange, une comédie, des entrées. Rien de si bien ordonné et de si superbe, de si parfaitement entendu ; et la chancelière s’en démêla avec une politesse, une galanterie et une liberté, comme si elle n’eût eu rien à faire. On s’y divertit extrêmement, et on sortit après huit heures du matin.

Mme de Saint-Simon qui suivit toujours Mme la duchesse de Bourgogne, et c’étoit grande faveur, et moi, fûmes les dernières trois semaines sans jamais voir le jour. On tenoit rigueur à certains danseurs de ne sortir du bal qu’en même temps que Mme la duchesse de Bourgogne, et m’étant voulu sauver un matin à Marly, elle me consigna aux portes du salon ; nous étions plusieurs de la sorte. Je fus ravi de voir arriver les Cendres, et j’en demeurai un jour ou deux étourdi, et Mme de Saint-Simon à bout ne put fournir le mardi gras.

Le roi joua aussi chez Mme de Maintenon, avec quelques dames choisies, au brelan et à petite prime, quelquefois au reversi, les jours qu’il n’y avoit point de ministres,