Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/427

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M. de Cambrai, et sur d’autres matières de doctrine, et sans sortir de sa simplicité ni de sa modestie. On vit cet homme, qui à Paris comme à Châlons se contentoit de son bouilli avec deux petites et grossières entrées, servi splendidement et délicatement, et, l’occasion passée, retourner tout court à son petit ordinaire, en gardant toujours ses officiers pour s’en servir quand il étoit nécessaire. Jamais grand seigneur ni cardinal qui, sans sortir d’aucune bienséance, fût moins l’un et l’autre, et jamais ecclésiastique plus prêtre ni plus évêque qu’il le fut toujours.

Le roi ordonna que les comtes d’Uzès et d’Albert, accusés de duel contre les comtes de Rantzau, Danois, et de Schwartzenberg, Autrichien, se remettroient à la Conciergerie ; ils prirent le large. Barbezieux envoya courre après son beau-frère, qui sur sa parole se remit ; le comte d’Albert ne revint que longtemps après dans la même prison. Il fut cassé pour sa désobéissance, et le roi voulut que Monseigneur disposât de son régiment de dragons qu’il avoit. À la fin ils sortirent l’un et l’autre, mais le comte d’Albert, avec tout le crédit de M. de Chevreuse, et la belle action qu’il avoit faite de s’être jeté dans Namur à travers les assiégeants et d’y être entré à la nage, son épée entre ses dents, ne put jamais être rétabli. Il étoit plus que bien avec Mme de Luxembourg, Rantzau aussi ; cela fit la querelle, dont la raison fut sue de tout le monde et fit un étrange bruit. M. le prince de Conti me conta en revenant de Meudon qu’il n’avoit jamais été si embarrassé, ni n’avoit tant souffert en sa vie. Il étoit, comme on l’a vu, ami intime de feu M. de Luxembourg et l’étoit demeuré de même de celui-ci. À Meudon on ne parloit que de ce combat et de sa cause.

M. de Luxembourg étoit le seul qui l’ignorât. Il la demandoit à tout le monde, et, comme on peut croire, personne ne la lui voulut apprendre ; lui aussi ne comprit jamais ce secret, et alla à maintes reprises à M. le prince de Conti pour le savoir, avec des presses et des instances à le mettre au