Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/328

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pas qu’on le crût à toute épreuve ; sa complaisance pour cet autre maître le déshonora. Il fit une généalogie de la maison d’Auvergne, c’est-à-dire de La Tour, dont le nom peu à peu se supprimoit pour faire place au postiche, et il la fit descendre de mâle en mâle des anciens comtes d’Auvergne, cadets des ducs de Guyenne.

La fausseté veut être bien concertée, mais il est dangereux qu’elle la soit trop. Il faut attraper un milieu avec adresse pour tromper avec un dehors de simplicité qui surprenne et qui impose. Ce fut l’écueil contre lequel toute cette belle invention se brisa. Rien de plus semblable au cartulaire que cette nouvelle généalogie par ses découvertes, ignorées jusqu’alors, et quoique cette pièce la dût être entièrement pendant la composition de l’ouvrage, puisqu’elle ne devoit pas encore être trouvée, l’un et l’autre se montra prêt en même temps. Néanmoins, il fut jugé plus expédient de produire le cartulaire le premier, et d’en attendre le succès avant de publier l’Histoire de la maison d’Auvergne.

Pour le mieux assurer, le cardinal de Bouillon joua le modeste, et fit difficulté d’ajouter foi à une pièce si décisive. Il en parla en confiance à ce qu’il put de savants avec doute, en les priant de bien examiner, et de ne le laisser pas prendre pour dupe, et toutefois ajoutoit avec un air de désir et de complaisance, que cette descendance étoit de tout temps l’opinion et la tradition de sa maison, quoique (et voilà une belle contradiction) jusqu’au maréchal de Bouillon, elle ne fût pas tombée dans la pensée d’aucun d’eux, et que, si elle étoit née pour la première fois dans celle de son père et de son oncle, comme il y a lieu de le soupçonner par leur affectation d’avoir cette terre appelée le comté d’Auvergne, et la jonction du mot d’Auvergne au nom de La Tour, au moins n’avoient-ils osé s’en laisser entendre avec toute la splendeur, la gloire, le crédit, l’autorité dont ils avoient joui. D’autres sortes de savants subalternes et mercenaires, aussi consultés pour avoir lieu de