Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/88

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Je considérai [1] que je le ruinois, non seulement par un engagement si fort, au cas que je perdisse mon procès, mais que c’étoit un éveil que je donnerois si la chose venoit à être connue, comme il étoit difficile qu’elle ne le fût pas, et que beaucoup de créanciers périclitants forceroient Cossé à faire pour eux la même chose et l’épuiseroient entièrement. J’aimai donc mieux hasarder cinq cent mille livres au jugement qui interviendroit, que me les laisser assurer, quelque certaine qu’en fût l’assurance que Cossé m’en offroit, et par la force de l’acte, et par l’ancienneté de cette créance et son privilège. Cossé se trouva comblé d’une générosité si peu attendue ; les maréchales de La Meilleraye et de Villeroy ne le furent pas moins. Je devins le chef de son conseil pour toutes ses démarches. Il étoit tous les matins chez moi, et mes gens d’affaires conduisoient les siens pas à pas. Ce ne fut pas sans peines et sans obstacles. Le maréchal de Villeroy lui en aplanit un qui eût ruiné tous nos soins : il lui rendit favorable le premier président Harlay, esclave de la faveur. Le maréchal en brilloit alors, et Harlay, de plus, se trouvoit flatté de sa parenté proche ; la mère du premier maréchal de Villeroy, grand’mère de celui-ci, étoit Harlay, fille du célèbre Sancy.

Deux difficultés capitales étoient en ses mains, gouvernant comme il faisoit le parlement à baguette. La maréchale de Villeroy, sœur de mon beau-frère, et son héritière naturelle et nécessaire, avoit renoncé à sa succession en faveur de Cossé, leur cousin germain. Le maréchal de Villeroy l’y avoit autorisée, et fait renoncer aussi ses enfants. Mais il ne dépendoit pas de la faveur d’une héritière de faire un duc et pair. En acceptant la succession, la dignité demeuroit éteinte, parce qu’elle n’étoit pas pour les femelles ; en y renonçant, Cossé qui étoit mâle, issu de l’impétrant, recueilloit la dignité avec la succession. Ainsi, la succession

  1. Nouveau passage omis, jusqu’à Cossé se trouva comblé.