Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/151

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sans oser paroître. C’est lui qui est mort évêque de Bayeux, qu’il eut pendant la régence.

Cette mort donna lieu à une nouvelle usurpation des princes du sang. Une des distinctions des petits-fils de France et d’eux étoit que les personnes qui, à l’occasion des grands deuils de famille, saluoient le roi en manteau long pour les hommes, et pour les femmes en mante, visitoient dans le même habit les petits-fils et les petites-filles de France, mais non les princes ni les princesses du sang. Ceux-ci toujours blessés de ces différences, s’attirèrent peu à peu des visites en mante et en manteau des personnes de qualité qui par attachement voulurent bien avoir cette complaisance, bientôt après laissèrent entendre qu’ils ne trouvoient pas bon qu’on y manquât, enfin l’établirent en prétention et y soumirent beaucoup de gens. Dès qu’ils s’y crurent affermis, ils se mirent à prétendre la même déférence des maréchaux de France, et peu à peu les y amenèrent comme ils avoient fait les gens de qualité. Une des choses qui y contribua le plus fut la prostitution où tombèrent les mantes et les manteaux. La protection publiquement donnée à la confusion en tout par l’intérêt, le crédit et l’adresse des ministres, les étendit à chaque occasion douteuse par des permissions expresses, puis par exemples ; enfin y alla qui voulut. Beaucoup de gens de qualité, plusieurs titrés, choqués d’un mélange qui ne laissoit plus de distinction, crurent en reprendre en faisant demander permission au roi de paroître devant lui sans manteau et sans mante. Ceux qui usurpoient d’en porter n’étoient pas en état de disputer rien aux princes du sang. Tout est exemple et mode : tels et tels l’ont fait, il faut donc le faire aussi ; c’est ce qui aida le plus aux succès des princes du sang. Quand après les gens considérables, titrés et non titrés, se mirent à se faire dispenser de saluer le roi en manteau et en mante, plusieurs firent dire aux princes du sang comme aux fils et petits-fils de France que le roi les avoit dispensés. « C’est une honnêteté, disoient-ils, qui ne