Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/44

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l’impiété ; mais impérieuse, altière, dominante, moqueuse, et tout ce que la beauté et la toute-puissance qu’elle en tiroit entraîne après soi. Résolue enfin de mettre à profit un temps qui ne lui avoit été donné que malgré elle, elle chercha quelqu’un de sage et d’éclairé et se mit entre les mains du P. de La Tour, ce général de l’Oratoire si connu par ses sermons, par ses directions, par ses amis, et par la prudence et les talents du gouvernement. Depuis ce moment jusqu’à sa mort, sa conversion ne se démentit point, et sa pénitence augmenta toujours. Il fallut d’abord renoncer à l’attachement secret qui lui étoit demeuré pour la cour, et aux espérances qui, toutes chimériques qu’elles fussent, l’avoient toujours flattée. Elle se persuadoit que la peur du diable seule avoit forcé le roi à la quitter ; que cette même peur dont Mme de Maintenon s’étoit habilement servie pour la faire renvoyer tout à fait, l’avoit mise au comble de grandeur où elle étoit parvenue ; que son âge et sa mauvaise santé qu’elle se figuroit l’en pouvoient délivrer ; qu’alors se trouvant veuf, rien ne s’opposeroit à rallumer un feu autrefois si actif, dont la tendresse et le désir de la grandeur de leurs enfants communs pouvoit aisément rallumer les étincelles, et qui n’ayant plus de scrupules à combattre, pouvoit la faire succéder à tous les droits de son ennemie.

Ses enfants eux-mêmes s’en flattoient et lui rendoient de grands devoirs et fort assidus. Elle les aimoit avec passion, excepté M. du Maine qui fut longtemps sans la voir, et qui ne la vit depuis que par bienséance. C’étoit peu dire qu’elle eût du crédit sur les trois autres, c’étoit de l’autorité, et elle en usait sans contrainte. Elle leur donnoit sans cesse, et par amitié et pour conserver leur attachement, et pour se réserver ce lien avec le roi qui n’avoit avec elle aucune sorte de commerce, même par leurs enfants. Leur assiduité fut retranchée ; ils ne la voyoient plus que rarement et après le lui avoir fait demander. Elle devint la mère de d’Antin dont