Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/128

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personne ni lui-même. Souvent des tables de jeu suivoient le repas, et retenoient la compagnie avec celle qui survenoit jusqu’à l’heure du salon. On se loua enfin beaucoup de ces dîners ; on s’étonna de la répugnance qu’on y avoit eue ; on se trouva à l’aise de ce que le roi [et] Mme de Maintenon y paraissoient indifférents, on eut honte d’avoir mal à propos appréhendé de leur déplaire. Mais le salon, pour tout cela, n’en devint pas plus favorable à M. le duc d’Orléans. À ces dîners, c’étoit chez une bâtarde du roi ; on n’y étoit avec M. le duc d’Orléans que par occasion, on étoit invité, rien de tout cela dans le salon, où le très grand nombre en hommes qui n’étoit point de ces dîners étoit demeuré dans la même réserve avec lui, où il étoit même évité de presque tous ceux qui sortoient de sa table, sans que cela ait pu changer à son égard, jusqu’à l’extrémité de la maladie du roi.

Son ennui le menoit souvent à Paris faire des soupers et des parties de débauche. On tâchoit de les éloigner par d’autres parties avec Mme la duchesse d’Orléans à Saint-Cloud et à l’Étoile, la plus gentille petite maison que le roi avoit donnée il y avoit longtemps à Mme la duchesse d’Orléans, dans le parc de Versailles, qu’elle avoit accommodée le mieux du monde, en quoi elle avoit le goût fort bon. Elle aimoit la table, les conviés l’aimoient tous, et à table c’étoit tout une autre personne, libre, gaie excitante charmante. M. le duc d’Orléans n’aimoit que le bruit ; et comme il se mettoit en pleine liberté dans ces sortes de parties, on étoit fort contraint sur le choix des convives, dont les oreilles et la politique auroient été également embarrassées du peu de mesure de ses propos, et leurs yeux fort étonnés de le voir s’enivrer tout seul dès les commencements du repas au milieu de tous gens qui ne songeoient qu’à s’amuser et à se réjouir honnêtement, et dont pas un n’y approcha jamais de l’ivresse. Parmi cette vie qui fut la même jusqu’à la fin du roi, les attentions et les embarras ne manquoient pas ;