Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/113

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D’Aguesseau, conseiller d’État et du conseil royal des finances du feu roi, et de celui des finances d’alors, mourut en même temps à quatre-vingt-deux ans ; père du procureur général, qui tôt après fut fait chancelier. C’étoit un petit homme de basse mine, qui, avec beaucoup d’esprit et de lumières, avoit toute sa vie été un modèle, mais aimable, de vertu, de piété, d’intégrité, d’exactitude dans toutes tes grandes commissions de son état par où il avoit passé, de douceur et de modestie, qui alloit jusqu’à l’humilité, et représentant au naturel ces vénérables et savants magistrats de l’ancienne roche [1] qui sont disparus avec lui, soit dans ses meubles et son petit équipage, soit dans sa table et son maintien. Sa femme étoit de la même trempe, avec beaucoup d’esprit. Il n’avoit aucune pédanterie ; la bonté et la justice sembloient sortir de son front. Il avoit laissé en Languedoc, où il avoit été intendant, les regrets publics et la vénération de tout le mande. Son esprit étoit si juste et si précis que les lettres qu’il écrivoit des lieux de ses différents emplois disoient tout sans qu’on ait jamais pu faire d’extrait de pas une. Je fis tout ce que je pus pour obtenir sa place de conseiller d’État pour Le Guerchois, son gendre, intendant de Franche-Comté, mon ami particulier, depuis bien des années que lui et sa famille m’avoient si bien servi à Rouen dans le procès qu’on a vu en son lieu que j y gagnai contre le duc de Brissac et la duchesse d’Aumont. Je n’en pus venir à bout, parce qu’en même temps Bâville, ce funeste roi de Languedoc plutôt qu’intendant, demanda à se démettre de sa place de conseiller d’État en faveur de Courson, son fils. M. le duc d’Orléans, qui vit la conséquence de l’exemple, et ne voulant pas le refuser, la donna à Saint-Contest, et celle que je demandois à Courson ; mais je n’eus

  1. Voy. la vie de ce magistrat écrite par son fils. Elle fait partie des Oeuvres du chancelier d’Aguesseau. Il serait à souhaiter qu’on la publiât à part pour donner une idée de cette ancienne magistrature si bien louée par Saint-Simon.