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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/28

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Louis XIV, au lit de justice, après avoir escaladé les pairs, les princes du sang, les fils de France. Ces messieurs sont l’image de la justice. Les images portées ou menées en procession précèdent le roi, encore un tour d’épaule et ils prétendront le précéder, comme ils prétendent tenir la balance entre lui et ses sujets, brider son autorité par la leur, et que celle du roi n’a de force, et ne doit trouver d’obéissance que par celle que lui prêtent leurs enregistrements, qu’ils accordent ou refusent à leur volonté. Je pourrois ajouter d’autres remarques sur les processions et aussi sur les Te Deum ; mais ce n’est pas ici le lieu de traiter expressément des préséances, du droit et des abus ; je n’ai touché cette matière que par la nécessité du récit qui doit s’arrêter ici dans ces bornes.

Je ne dissimulerai pas que, quelle que fût mon indignation d’une prétention qui ne peut être assez qualifiée, je riais un peu dans mes barbes de voir le régent si bien payé par le parlement, auquel il avoit si étrangement sacrifié les pairs et ses paroles les plus solennellement données et réitérées, et l’engagement pris avec eux en pleine séance du parlement le lendemain de la mort du roi, comme je l’ai raconté en son lieu. Cette compagnie, non contente de ventiler son autorité, de le barrer dans les choses les plus indifférentes pour lui faire peur de sa puissance, qui n’existoit que par la faiblesse et la facilité du régent qu’ils avoient bien reconnue, lui voulut étaler sa supériorité sur lui jusque dans le rang.

M. le duc d’Orléans, ensorcelé par Noailles, Effiat, Canilla, jusque par cette mâchoire de Besons, gémissoit sous le poids de ces entreprises de toute espèce, négocioit avec le parlement par ces infidèles amis, comme il auroit fait avec une puissance étrangère, lâchoit tout, et en sa manière imitoit la déplorable conduite de Louis le Débonnaire, d’Henri III et de Charles Ier d’Angleterre, dont je lui avois si souvent proposé d’avoir toujours les portraits devant ses