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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/324

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ils demeurèrent dans la même inaction sur cet arrêt, qui étourdit étrangement cette prétendue noblesse à qui le régent fit en même temps défendre de s’assembler désormais. Tout se débanda, la plupart en effet et commença à ouvrir les yeux, et à avouer sa folie presque tous en apparence. Ce fut à qui courroit au Palais-Royal s’excuser, où tous furent reçus honnêtement, mais sèchement, ce qui diminua encore le nombre, avec l’opinion que ces mouvements fussent du goût du régent, qui donna place à la crainte de lui déplaire, au désespoir de réussir, et au dépit d’avoir été trompés et menés par le nez. Mais les plus entêtés se laissèrent persuader par les confidents de l’intrigue, à qui il importoit si fort de ne pas laisser démancher le parti, et qui n’oublièrent rien pour en arrêter la totale dissipation, où pourtant il ne se fit plus rien que dans les ténèbres.

M. de Noailles, pour le rassurer un peu, profita de la mort de Lannion, lieutenant général, pour faire donner le gouvernement de Saint-Malo qu’il avoit à Coetquen, son beau-frère, son agent, et des plus avant parmi cette noblesse, dont les fauteurs qui obsédoient le régent lui persuadèrent dans la même vue d’en retirer M. de Laval par une pension de six mille livres, grâce bien forte à un homme qui avoit quitté le service, et qui ne pouvoit l’avoir méritée que par ses séditieuses clameurs. Aussi verrons-nous combien le régent y fut trompé.

Ce M. de Laval si totalement enrôlé par M. et Mme du Maine, et qui étoit avec M. de Rieux depuis longtemps dans le secret de leurs vues et de leurs complots, étoit un homme à qui il ne coûtoit rien de tout prétendre et de tout hasarder. Dès la mort du roi, profitant de la débandade de la draperie, il avoit demandé et obtenu du régent la permission de draper, à titre de parenté, sur ce que les Laval avoient eu une duchesse d’Anjou, reine de Naples et de Sicile, qu’il faisoit extrêmement valoir. Il savoit assez, et de plus il comptoit assez sur l’ignorance publique, pour ne craindre pas