Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/333

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

leur branche aînée, dont le mariage avec le Montfort lui apporta et à sa postérité tant de splendeur, et à ces mêmes cadets Laval-Montmorency un obscurcissement qui, de degré en degré, les a fait tomber dans un état où, même dans les temps les plus voisins du mariage de leur héritière aînée avec le Montfort, ils ne se sont jamais trouvés en situation de rien prétendre au delà de tous les gens de qualité ordinaire. Je n’allongerai point cette digression, déjà trop longue, d’une dissertation sur le rang, les prétentions et leurs divers degrés de l’office de chancelier. Je me contenterai de dire que je ne vois qu’un seul exemple de cette préséance dans la maison de Montmorency, non de Laval-Montmorency. Personne n’ignore la violence extrême faite par Henri II et par le connétable Anne de Montmorency au maréchal de Montmorency son fils aîné, pour lui faire épouser sa bâtarde légitimée, veuve d’Horace Farnèse, duc de Castro, sans enfants.

Le maréchal de Montmorency étoit amoureux de Mlle de Piennes, Jeanne d’Halluyn, sœur de Charles d’Halluyn, seigneur de Piennes, marquis de Maignelets, gendre de l’amiral Chabot, tous deux enfants d’une Gouffier, fille de l’amiral de Bonnivet, lequel Charles d’Halluyn, Henri III fit duc et pair en 1587. Le maréchal de Montmorency avoit donné une promesse de mariage à Mlle de Piennes, qui, comme on voit, étoit de naissance très sortable à l’épouser. Le connétable, très absolu dans sa famille, vouloit disposer de ses enfants, encore plus s’il se peut de cet aîné. Il attendoit l’occasion de quelque grand mariage, et son fils celle de lui parler de celui qu’il vouloit faire, et de l’y faire consentir. Dans l’intervalle, la duchesse de Castro perdit son mari, et Henri II, qui aimoit fort sa fille, et auprès duquel le connétable étoit alors dans la plus grande faveur, lui demanda son fils aîné pour sa fille, et le connétable ébloui, non de l’alliance bâtarde légitimée, mais de la faveur et de la fortune qui en seroit la longue dot, conclut à l’instant avec beaucoup