Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Monteléon gardoit le silence, quoiqu’il pût aussi apporter quelques obstacles ; il n’avoit plus les mêmes accès. Methwin lui paraissoit mal disposé pour l’Espagne. Il le remettoit sur toute affaire au retour du roi d’Angleterre sans nulle nécessité.

Albéroni, qui bravoit la haine publique en Espagne, ne put se résoudre à obéir à la duchesse de Parme qui lui ordonnoit de demander à la reine sa fille une pension ou quelque subsistance pour un homme du commun, pour qui elle avoit eu de la bonté à Parme, et qu’elle avoit voulu faire venir en Espagne plus d’une fois. Il craignit le danger de le rappeler dans sa mémoire. Toute son attention étoit à conserver tout son crédit sans partage et sans lutte, au moins jusqu’à ce qu’il fût parvenu au chapeau ; et pour le hâter, à donner au pape une haute idée de son pouvoir, bien persuadé que les grâces de Rome ne sont consacrées qu’à ses besoins et aux services qu’il lui est important de tirer. Le pape étoit foible ; il craignoit les Turcs. Il désiroit ardemment de hâter les secours maritimes d’Espagne. Albéroni en profita. Il fit représenter au pape qu’il ne devoit pas perdre de temps à se déterminer ; qu’en différant, le printemps arriveroit avant qu’il y eût rien de réglé pour des succès qui pourroient immortaliser son pontificat ; il lui fit sonner bien haut que tout en Espagne étoit uniquement entre les mains du roi et de la reine ; qu’ils étoient affranchis de l’autorité que les tribunaux et les conseils avoient prises ; que d’eux seuls dépendoient les ordres et les exécutions. Cela vouloit dire de lui uniquement, et que si le pape vouloit être servi et content, il falloit qu’Albéroni le fût aussi, et que le seul moyen que le pape fût satisfoit étoit d’avancer la promotion d’Albéroni. Aubenton, totalement dévoué au pape, n’étoit attaché à Albéroni que par la crainte. Quelque confiance que le roi d’Espagne eût en son confesseur, il n’auroit pas eu la force de le soutenir contre la reine, si, conseillée par Albéroni, elle eût entrepris de le