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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/100

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le jugeroit à propos, suivant les mouvements de ceux d’Espagne, en continuant néanmoins d’assurer le roi d’Espagne de la correspondance parfaite qu’il vouloit entretenir avec lui. Quelques ménagements qu’il eût pour l’empereur, ses plaintes contre l’Espagne étoient froidement écoutées à Londres, d’où néanmoins, pour apaiser un peu les Impériaux, on fit partir le colonel Guillaume Stanhope, cousin du secrétaire d’État, pour aller en Espagne. Il devoit d’abord passer en Hollande avec Cadogan, et le mener peut-être en Espagne ; mais, outre que ce général y étoit fort suspect, le ministère Anglois crut en avoir besoin à Londres pour manéger dans le parlement qui devoit bientôt se rassembler. Georges n’avoit pu parvenir à se concilier l’affection des Anglois depuis qu’il étoit monté sur le trône. Ils le croyoient dévoué à l’empereur, eux l’étoient à leur commerce ; et on parloit haut à Londres, à la Bourse, contre la rupture avec l’Espagne.

Châteauneuf, ambassadeur de France à la Haye, alla un soir trouver Beretti. Il lui dit, sous le plus grand secret, qu’il avoit un conseil à lui donner, dont il étoit moins l’auteur que le canal. Ce conseil fut que l’Espagne ne devoit pas s’alarmer des raisons ni des menaces de l’Angleterre pour l’engager à se désister de son entreprise, mais témoigner son étonnement de voir que cette couronne, après avoir si tranquillement souffert tant d’infractions de l’empereur au traité dont elle étoit garante, tant pour la sortie des troupes allemandes de la Catalogne que pour la neutralité d’Italie, rompît aujourd’hui le silence, et prit un ton si différent de celui dont elle avoit usé à l’égard de l’empereur. Il ajouta que le roi d’Espagne devoit dire que, n’ayant jamais fait de paix avec la maison d’Autriche, il se lassoit enfin d’en recevoir tant d’insultes ; qu’il s’étonnoit de la protection qu’il sembloit que le roi d’Angleterre vouloit donner à la conduite de la cour de Vienne, après tous les avantages obtenus par les Anglois de Sa Majesté Catholique pour leur commerce ;